I See Seaweed
7.4
I See Seaweed

Album de The Drones (2013)

Comme pour beaucoup I see seaweed a été mon premier contact avec The Drones, et les bougres n'ont pas rendu les choses faciles avec ce ce pavé dense, homogène, et en apparence bordélique. La musique suit le style cliché de l'indie rock australien (lancé par The Birthday Party et Rowland Howard, The scientists...) : une musique un peu crade dominée par des guitares électriques nerveuses qui oscillent entre le punk et le blues rock, ne laissant la place qu'à une voix grave ou écorchée. De là à dire que The Drones ont une esthétique banale, quand même pas : d'une part il y a le timbre rugueux et nasillard de Gareth Liddiard, fusion charismatique d'un écrivain misanthrope avec un bourru moyen-ageux ; on aurait du mal à trouver mieux comme vecteur d'amertume. Et d'autre part les guitares : agressives, souvent distordues mais très texturales, elles menacent généralement de déferler en une vague de rage. On retrouve également du piano, de l'orgue (la #3) et des choeurs féminins tendus utilisés à bon escient.


Je dois avouer que je n'ai pas été super emballé aux deux premières écoutes, pas que je trouvais les chansons mauvaises en me concentrant sur leur composition, mais bizarrement je rentrais dans l'album qu'à partir de Nine Eyes alors qu'il y a un tas de bons moments avant, et que le ton est parfaitement posé avec la piste éponyme. Si le disque ne déborde pas d'accroches mélodiques ou de riffs qui vont marquer les consciences, la maîtrise est largement au-dessus de la moyenne. La deuxième chanson par exemple – le single assez sage pour la radio – en est une démonstration : quasi groove mélancolique, guitares parfaites que ce soit dans la tonalité ou le placement dans un refrain que Deerhunter n'aurait pas renié, avec en prime un solo et un piano qui semblent tout à fait naturels. On pourra avancer que « I see seaweed » et « They'll kill you » s'appuient un peu trop sur leur texte et pourtant elles réussissent à captiver tant il est facile de s'accrocher aux vociférations de Gareth et au remous aguicheur des guitares. Je dirais que le numéro de garage rock endiablé « A moat you can stand in» est le moins bon du lot car il souffre le plus du faible sens mélodique et est un peu long pour son manque de dynamique. Pourtant le travail guitaristique est absolument remarquable, c'est fun, et le meilleur est à venir.


Avec Nine Eyes les chansons deviennent en effet moins verbeuses, prennent en otage l'auditeur et changent de rythme sans le relacher, combinant fausses résolutions, mélodies lancinantes qui permettent des accélérations tourbillonnantes, et textures atmosphériques obsédantes The Grey Leader et Laika sont des « power ballad » d'une intensité prodigieuse, comme on en fait plus – et peut être même comme on en a jamais fait. « Why write a letter that you'll never send » conclut l'affaire sur une note plus modeste : 9 minutes plutôt calmes entre spleen et cynisme, colère et résignation. On perd en dynamique par rapport à l'ouverture ce qu'on gagne en impact émotionnel après ce lessivage en règle. Car même si j'y porte peu d'attention dans l'absolu, pas un texte vide ni convenu à déplorer. Il y a tout le long de l'album cette impression agréable que - après 5 ans de silence - le groupe a quelque chose à dire et ça passe par chacun des membres. Bon peut-être que la bassiste est un peu en retrait mais elle se rattrape avec ses choeurs donnant cette dimension hantée à la seconde partie (Laïka en particulier).


Si vous cherchez du rock sans concessions mais avec de la personnalité en 2013, ne faites pas comme beaucoup de publications : ne manquez pas cet album !

Zephir
8
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le 1 déc. 2013

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Zephir

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