Rimbaud aurait pu chanter du rock
Mallarmé à la guitare, Baudelaire à la basse, Verlaine aux claviers et de Nerval à la batterie.
Non pas que je jette au pilori réactionnaire tous ces artistes qui oeuvrent en anglais, chacun sait que nul n'est prophète en son pays.
Je salue simplement ce retour au texte sans pour autant convier au banquet des mendiants les Immortels de la Chanson Brel et Ferré, ni convoquer les stars compilées de nos années défuntes ou encore ressusciter au fer rouge de la nostalgie, les anciens rebelles.
Les anciens élèves de Louis Le Grand ont bien retenu les cours de français et les répétitions au fond du garage ont porté leurs fruits.
Les deux plus grandes inventions de ces deux derniers siècles sont incommensurablement le romantisme et le rock'n'roll.
Dans l'album de Feu ! Chatterton, il est question de départs. De voyages rêvés qui sont autant de fuites. Des séparations à venir mais déjà opérées. Des démons qui nous hantent. De la flamme qui nous anime tout en nous consumant. Du sexe comme découverte et comme perte.
Un album bourré de référence littéraire et de hauts faits d'armes de l'ère romantique : de "La mort de Chatterton", poète suicidé à l'âge de 17 ans, en passant par Ophélie, héroïne shakespearienne devenu mythique, sans oublier La Malinche, l'indienne baptisée Doña Marina et maîtresse d'Hernan Cortez.
C’est d’abord la voix et les mots du chanteur qui percutent. Mais ils ne seraient sans doute pas grand chose sans les riches compositions du groupe. La musique puisant tout à tour dans le rock, l’électro, le blues, la java accompagne, porte et transcende les mots.
Feu sacré
Feu ! redonne ses lettres de noblesse à l'élégance française, disais-je, par des textes soigneusement écrits qui renvoient au lyrisme de Gainsbourg, à l'émotion de Noir Désir et au mystère de Bashung.
Ou comment relater le naufrage du Costa Concordia par un slow rock épique, poétique et chanté-hurlé, transformer les étincelles d'un texte de poésie rétro-galante en tube disco.
Leur pop baroque, sombre et romantique, est parfaitement incarnée par Arthur, à l’allure de dandy à moustache, volontairement grandiloquent mais le chanteur sait aussi ne pas trop tirer la couverture à lui.
Nul égoïsme, ses camarades ont de la place pour s’exprimer. On aime le psychédélisme onirique de l’ouverture Ophélie, les grondements électroniques de Porte Z, ou encore la vibration quasi house de Boeing qui procure une touche tout à fait moderne à Feu !
Un premier LP prometteur mais pas sans défauts : certains le trouveront trop long, prétentieux et lui reprocheront ces envolées lyriques mystiques et mystérieuses.
Quant à moi je déclare ma flamme à ces Feu ! Chatterton bien vivants dans leur époque.