"You and the six raised me right, that shit saved my life"

*“If I die, all I know is I’m a muthaf***ing legend”, dit Drake dans les trente premières secondes de sa quatrième sortie commerciale de 69 minutes, "If You’re Reading This It’s Too Late".
À en juger par la domination de Drake, et ce depuis un moment, cette déclaration n'était pas si loin de la vérité, si ce n'est un euphémisme total.*

Sans aucune aide promotionnelle par le biais d'interviews, de médias sociaux ou de publicités, «If You're Reading This» est sorti le vendredi 13 février et s'est vendu à 624 000 exemplaires au cours des 10 premiers jours aux États-Unis seulement. Deux semaines après sa sortie, les 17 titres de l'album ont été classés dans le top 50 des chansons R & B / Hip-Hop (ajoutez cela, quatre autres chansons dans lesquelles Drake était présent, et cela représente environ 42% du total du classement). Puis, le 7 mars, Drake a officiellement égalé le record ininterrompu des Beatles il y a 51 ans, inscrivant 14 chansons simultanément sur le Billboard Hot 100. Et, selon le rappeur lui-même, ce n'était censé être qu'une mixtape gratuite. Ok...

Il a donc été établi que Drake a la popularité nécessaire pour être considéré comme une légende vivante. Mais la question la plus importante à se poser à ce stade est de savoir si la musique elle-même est à la hauteur des attentes? La réponse simple est oui.

L'une des vibrations par excellence de "If You're Reading This" est l'attitude nonchalante que Drake prend en distribuant hit après hit - je veux dire, le gars a sorti l'album sur un coup de tête. En d'autres termes, Drake dégage une confiance et un charisme absolus, tous deux absents de ses œuvres précédentes malgré l'excellence de celles-ci. De son rap à son chant en passant par sa production - l'ensemble du projet est juste harmonieux.

Avec l'ouverture, "Legend", produit par PARTYNEXTDOOR (il a produit 2 autres titre), le rythme doux et résonnant vous attire provisoirement alors que Drake commence à chanter, et lorsque la tension monte jusqu'à un point culminant, les beats profonds et percutants s'emboîtent et les "hats" qui sonnent comme un Taser pulsent et donne de la vie dans la piste un peu comme un défibrillateur.
La cardioversion électrique, dans le monde de la médecine, est une méthode de traitement qui « choque » le cœur.
Ouais, ça s'tient...
Sur la deuxième chanson, "Energy", Drake rappe en détail toutes les personnes et les "ennemis" de sa vie, le vidant de son "énergie". Sereinement, Drake détruit lyriquement chacun, un par un, avec la finesse d'un chasseur aguerri chassant les pigeons d'argile. L'enthousiasme de Drake pour le carnage est si grand qu'il revient même à la fin avec un dernier couplet affirmant qu'il “ain’t finished yet,”, comme un combattant MMA lançant un coup de poing après que l'arbitre ai sifflé.
Les trompettes de combat font une boucle fébrile sur le morceau «6 God», accompagné de la grosse caisse sourde, prêtant une plate-forme solide à Drake quand il déchire barre après mesure, ciblant tout le monde et personne en même temps. Drake montre également des jeux de mots intelligents avec la phrase suivante: «Rolling swishers, hitin 'swishes / Got me feelin' like a ball hog / I don't pass 'em when I get it.» Le message de Drake n'a jamais été aussi clair: dans ce jeu, c'est tout le monde contre lui, et il gagne.
Le côté émotionnel de Drake fait également une apparition dans l'album sur le morceau, "You and the 6", quand il a une "conversation" avec sa maman. Ici, Drake s'ouvre en effet et montre un côté plus touchant de lui-même, mais il affiche également une partie de sa confiance retrouvée. Drake rappe: “I pull the knife out my back and cut they throat with it, mama,” évoquant une image puissante de lui-même se débrouillant dans un monde où tout le monde est là pour l'planter.
Il semble que Drake restera à jamais le plus détesté et le plus aimé.
Mais la grandeur engendre naturellement la jalousie.
Le reste des titres offre de sacrés moments tour à tour enivrants et emballants à l'image de "10 Bands", "Know Yourself" ou "Used To" Ft Lil Wayne, 3 titres qui poussent l'auditeur à l'euphorie. D'autres chansons sont plus sombres et hypnotiques comme "No Tellin'", "Star 67" ou "You And The 6" et on touche à l'expérimentation parfois comme sur "Preach" avec PARTYNEXTDOOR et "Company" ft Travis Scott. Tout au long de l'album, les rythmes passent des percussions industrielles aux effets nocturnes plus clairsemés qui sont en quelque sorte devenus le truc de Drake.
Soulignons quand même que la majeur partie de la production revient à Boi-1da et 40 et que leur art, ici, n'a jamais été aussi bien épuré, allant à chaque fois à l'essentiel de façon brillante.

À cette époque, Kanye West se désignait comme "Yeezus". Eminem revendiquait le titre de "Rap God". Kendrick Lamar a volé la couronne de la côte Est et s'était proclamé "King of New York".
Et ici, Drake s'est déclaré le "6GOD".
Alors, qui devrait être le plus craint de ces monolithes modernes?
Eh bien, comme le dit Drake, en référence aux paroles trouvées sur son album, “hearing the scripture with that many sixes / you should be afraid” - et à juste titre.