II / III
7
II / III

Album de Bruit Noir (2019)

Le premier album de Bruit Noir était une expérience sale, un voyage dans les souterrains de l’humanité, un crachat fétide envoyée à la face du monde. De ce point de vue, les interludes sur II/III, sortes de micro-Pensées de Pascal enregistrées dans le métro, sonnent de façon tout à fait naturelle.

Car oui, Bruit Noir pue comme un couloir de métro. Mais Bruit Noir pue surtout le dégoût de soi et des autres : tellement que c’en est souvent drôle. Avec II/III le duo Bouaziz/Pires remet le couvert, en plus cynique (moins de chansons que d’interludes, foutage de gueule assumé), et en moins bien peut-être, comme le dit le chanteur lui-même. Mais moins bien comme Terminator 2, pour citer Bouaziz lui-même. C’est à dire la surprise en moins, le brio en plus. Et Bruit Noir l’a, le brio. Poussant la provoc’ jusqu’au point Godwin (« Des collabos »), alignant les name dropping de cultureux avec insolence, crachant sur la tombe d’un mort (pauvre Daniel Darc, qui, pourtant, sentait lui aussi le métro, à sa manière). Rien n’arrête l’irrévérence d’un Pascal Bouaziz aussi prétentieux que dépressif, qui s’autofatigue sans parvenir à nous épuiser, nous, le public qui en redemandons, de cette dégueulasserie salvatrice. Nonobstant, une émotion pure émerge ici et là, lorsque Pascal « Brutal » Bouaziz baisse le masque et la garde, pudiquement (« Romy », « Les animaux sauvages », « Partir »).

Mais si Bruit Noir est incarné par la voix et les textes de Bouaziz, il ne faudrait surtout pas oublier son éminence grise, Jean-Michel Pires. Rendons grâce aux textures sublimes de ce batteur multitâches (« Romy », « 1967 », « Les animaux sauvages »), aux longs tunnels sonores desquels surgissent des riffs qu’on croirait tirés de Faith ou Desintegration des Cure, joués au ralenti (« Le succès », « L’Europe »), aux rythmiques tout droit sorties des machines fatiguées d’une usine fumante (« Paris », « Des Collabos »).

La suite et fin, III/III, on la connaît tous non ? Oui, Bruit Noir va mettre la misère aux banlieusards. Et ce sera affreux, sale et méchant (« ça, ça va comme référence ? »), n’en doutons pas.


Francois-Corda
8
Écrit par

Créée

le 10 févr. 2019

Modifiée

le 11 juin 2024

Critique lue 184 fois

1 j'aime

François Lam

Écrit par

Critique lue 184 fois

1

D'autres avis sur II / III

II / III
Rainure
7

L’imposture.

Quelques mois plus tôt, on demandait à Bruit Noir d’écrire un morceau, un morceau sur l’Imposture. Selon Pascal Bouaziz, accepter d’écrire le morceau était faire preuve de « fausseté, inanité », etc...

le 30 janv. 2019

3 j'aime

3

II / III
Francois-Corda
8

Critique de II / III par François Lam

Le premier album de Bruit Noir était une expérience sale, un voyage dans les souterrains de l’humanité, un crachat fétide envoyée à la face du monde. De ce point de vue, les interludes sur II/III,...

le 10 févr. 2019

1 j'aime

Du même critique

Traum und Existenz
Francois-Corda
7

Critique de Traum und Existenz par François Lam

Surprenante cette association entre Rebeka Warrior et Vitalic ? Pas franchement, et à bien des égards. D’abord, Rebeka Warrior est une familière du monde de la techno avec Sexy Sushi depuis des...

le 10 mai 2019

7 j'aime

Civil War
Francois-Corda
5

Critique de Civil War par François Lam

En interview dans le numéro d’avril de Mad Movies, Alex Garland se réclame d’un cinéma adulte qui ne donnerait pas toutes les clés de compréhension aux spectateurs, à l’instar du récent Anatomie...

le 21 avr. 2024

5 j'aime

Only God Was Above Us
Francois-Corda
6

Pas encore mais ça ne saurait tarder ?

FIP, une nuit comme une autre en voiture. L’oreille se dresse à l’écoute d’un bel arpège de guitare réhaussé par un arrangement rythmique somptueux. Et puis cette voix. Aussi nul sois-je en blind...

le 7 mai 2024

4 j'aime

6