Prequelle est probablement mon album préféré de la décennie 2010. J'ai saigné cet album comme c'est pas permis. J'avais découvert Ghost à la sortie de Meliora, alors forcément, ce virage Pop qui m'a plu laissait craindre le pire pour la suite. Après avoir atteint un sommet (en tout cas à mon goût), comment ne pas se rétamer en beauté pour l'album suivant ?
Et ce qui est assez fort avec ce nouvel opus de Ghost, c'est que Tobias Forge a pris un peu le truc à l'envers. Il y a une envie chez Ghost d'avoir une musique de plus en plus accessible, mais aussi plus grandiloquente. Je trouve que ça se ressent ici : on est sur du gros rock taillé pour les stades avec des influences diverses et variées. Y'aura du Bon Jovi, du Toto, du Metallica, Alice Cooper, du Hard FM en veux-tu en voilà et ça donne un album bourré d'hymnes, incroyablement lumineux malgré la noirceur des paroles. Pour cause, la crème de la crème des compositeurs suédois de musique Pop a été contactée par Forge pour l'assister sur quelques titres. C'était déjà le cas pour quelques morceaux de Prequelle, et on se retrouve à nouveau avec la participation de Salem Al Fakir et Vincent Pontare qui ont notamment œuvré pour The Weeknd. Pour le mixage c'est Andy Wallace qui s'en charge, donc il y a un certain savoir-faire dans ce domaine qui s'entend bien à l'écoute du disque.
L'album parle de la chute des empires et dès l'intro, j'ai failli chialer. On a une intro à la Battery de Metallica, Imperium, un truc avec des guitares harmonisées. Ici c'est bien plus épuré en termes d'arrangements mais tout est fait dans la production pour que ça ait le plus de puissance et de relief possible. Ce qui a fait que j'ai failli chialer aussi, c'est qu'au-delà de la beauté de ce passage instrumental, j'ai eu un pressentiment. On le sait depuis un moment chez Ghost, mais les interludes ne sont pas gratuites et nous dévoilent en réalité un aperçu d'une chanson de l'album suivant (je pense à Meliora dont l'interlude est un riff réutilisé dans Rats sur Prequelle) ou tout simplement un morceau qui arrive plus tard dans l'album. J'ai eu de la chance, mais c'est bien ce que fait Ghost avec Imperium. J'en reparle à la fin de ce long avis, évidemment.
On enchaîne directement avec la surprise de l'album, c'est-à-dire Kaisairion. On ne sait pas ce que ça fait là, c'est du Rock pêchu et joyeux, c'est assez inédit pour du Ghost et le (ou la) guitariste impressionne par sa virtuosité. Je ne sais pas trop où ça en est dans le line-up, mais mon oreille me dit qu'il y a eu un changement de guitariste soliste, ou en tout cas une approche très différente de l'instrument pour Impera. C'est beaucoup plus technique, et même si on conserve ce goût pour les passages harmonisés à la tierce et cet amour de la mélodie, on nous en met davantage plein la tronche du côté des parties de guitare.
Vient ensuite Spillways, et c'est ce morceau-là qui m'a fait penser à Toto à cause de sa partie clavier dans la lignée de Hold the Line. Ce qui est fort avec ce titre c'est qu'on a l'impression que le refrain arrive vite, mais le groupe en remet une couche avec un nouveau changement de tonalité pour le véritable refrain. C'est juste jouissif, même si on pourra trouver la démarche poussive et indigeste.
Call Me Little Sunshine est le titre suivant, mais aussi le deuxième single pour l'album. Je trouve le morceau accrocheur avec son groove assez proche de Cirice, sans jamais atteindre la majesté de sa référence principale. Il y a quand même des ingrédients qui marchent bien sur ce titre : les harmonies vocales à foison et le passages batterie/voix façon We Will Rock You par exemple.
On passe à Hunter's Moon qui est dans la lignée de Prequelle : un titre Pop et dansant mais avec quelques particularité. Déjà il y a la signature rythmique du morceau qui est un peu imprévisible avec ce riff de guitare harmonisé à la tierce et de toute beauté, mais il y a aussi le passage un peu occulte/musique religieuse avec des chœurs qui viennent supporter un riff bien bourrin.
Watcher in the Sky est un hymne à stade, à l'instar de Griftwood. Les deux morceaux sont longs mais pas répétitifs pour autant, et si accrocheurs que ça devrait être illégal.
Darkness at the Heart of My Love est une très belle ballade rock où le refrain est à nouveau dévastateur.
J'ai toujours un peu de mal avec Twenties, mon seul bémol pour l'album. J'ai l'impression que le groupe a voulu faire plein de trucs en même temps sur un même titre, et qu'on atteint jamais le nirvana malgré tout. On a une intro qui se veut orchestrale, qui vient s'enchaîner avec des riffs très métalliques et bien lourds. Du côté de la rythmique on est sur du reggaeton donc c'est plutôt surprenant. Pour les couplets, c'est quasiment parlé, un peu brut de décoffrage comme dans les premiers albums. Mais le refrain ne donne pas plus d'ampleur que ça au morceau, malgré la tonalité qui monte, qui monte, qui monte... Sur le papier ça devrait être génial mais je trouve que le résultat n'est pas si fameux que ça.
Dominion et Bite of Passage, les interludes de l'album, ne sont là que pour introduire les morceaux qui suivent et honnêtement sans casser des briques, ça fait très bien le boulot.
Évidemment, il fallait terminer l'album en beauté et c'est le cas avec Respite on the Spitalfields. Presque 7 minutes au compteur dont une minute consacrée à reprendre Imperium avec tout plein d'instruments et des chœurs qui viennent chanter derrière ces magnifiques quelques notes : je suis conquis.
Je trouve l'album plutôt radical dans le sens où si on aime pas les hymnes à stade, on va détester. Mais ce que j'aime beaucoup chez Ghost c'est que contrairement à des groupes qui vont sans cesse ré-exploiter la même formule, ils savent à la fois varier les plaisirs et nous en mettre plein la tronche du côté des arrangements.