1969, c'est dix ans après Kind of Blue qui représente, pour moi, la quintessence des premiers quintettes de Miles Davis et, pour moi toujours, la communion parfaite entre jazz et son ancêtre le blues.
Entre les deux, plusieurs albums qui annoncent l'évolution dont en particulier ce qu'on appelle le second quintette avec Ron Carter, Herbie Hancock, Tony Williams et Wayne Shorter.
Il y a eu plusieurs tentatives d'évolution dans "Miles Smiles", "Nefertiti" et Filles de Kilimandjaro.
Mais tout ceci se concrétise dans cet album "In a silent way" où Miles introduit beaucoup plus de matériel électrique dont la guitare de John MacLaughlin, l'orgue de Joe Zawinul et la basse de Dave Holland.
Sauf erreur, jusqu'alors, les saxophones qui donnaient la réplique à Miles Davis étaient plutôt ténor, là, pour la première fois, il a semblé préférer les saxophones soprano (moins mâles…) plus dans la tonalité de la trompette. Et dans Bitches Brew, ce sera encore Wayne Shorter au saxophone soprano.
Premier morceau : "shhh peaceful" (18')
La guitare de MacLaughlin ainsi que le piano électrique égrènent des notes pures très douces, sans les artifices de la guitare électrique, introduisant au bout de quelques minutes le son pur sans vibrato de la trompette, si caractéristique de Miles Davis. On pourrait presque parler de fragilité.
La présence bien réelle et assurée de John MacLaughlin est quand même nettement plus discrète que celle qu'on lui connait avec les riffs de sa guitare électrique (à je ne sais plus combien de cordes).
L'ensemble piano, orgue et guitare donne une impression de musique légère et planante. Il occupe l'espace en attendant les interventions des maîtres Davis ou Shorter pendant lesquelles il s'efface un peu. Le morceau comprend deux parties de trompette avec la partie saxophone au milieu du morceau.
Deuxième morceau : in a silent way (19')
Débute par une première partie "in a silent way" avec une gentillette, très douce, voire même classique mélodie juste avec la guitare de MacLaughlin et le piano électrique, là encore, introduisant et accompagnant au bout de quelques minutes la trompette de Miles, toute en douceur et finesse. Une trompette qui rappelle "sketches of spain" ou en tous cas, sa carrière passée. Très beau.
Le morceau se poursuit par "it's about that time", avec une trompette un peu plus mordante, plus du style du second quintette avec une basse soutenue. Avant de rendre la parole aux claviers, la guitare électriques et la basse qui donnent une impression légère, planante, répétitive, mais aussi enjouée, caractéristique de tout l'album. Au milieu du morceau le saxo reprend la main avec une belle cohérence avec ce qui a précédé puis donne la parole à la trompette cette fois bien dans le style du second quintette.
La troisième partie du morceau – appelée aussi "In a silent way" – est un retour à la case départ avec la guitare et sa gentille mélodie et à une splendide trompette très méditative, làa encore, peut-être fragile.
C'est un très bel album avec de très belles sonorités. Comme "Kind of blue", ce qui faisait d'ailleurs sa qualité, il y a une très grande cohérence musicale dans l'ensemble de cet album.
Je me souviens que, quand j'étais adolescent, je m'étais demandé si cet album ne surpassait pas "Kind of blue". A l'époque, j'avais répondu que non. Aujourd'hui, après bien des écoutes des 2 albums (c'est très facile avec des cd sur un pc), je confirme que, pour moi, pour mon goût personnel, que "Kind of blue" reste insurpassable.