In My Lifetime, Vol. 1
6.7
In My Lifetime, Vol. 1

Album de JAY-Z (1997)

Comparé à son prédécesseur Reasonable Doubt, qui malgré sa qualité avait rencontré un succès moindre dans les charts, In My Lifetime, Vol. 1 devient sans forcer disque de platine quelques mois seulement après sa sortie. Marquant de la même manière le début de la réussite de chacun des albums de Jay-Z avec des ventes se chiffrant à plusieurs millions d'exemplaires. Ce qui se confirme un an plus tard avec Vol. 2 Hard Knock Life, qui deviendra son essai le mieux vendu de sa carrière.


Mais ce nouvel effort est également celui qui place le rappeur de Brooklyn dans une position plus que confortable dans la course au meilleur MC de la Grosse Pomme, voire du pays. Pour le comprendre, il faut étendre le prisme à la carte des USA et ne pas seulement se focaliser sur la ville qui ne dort jamais. In My Lifetime, Vol. 1 sort le 4 novembre 1997 au pays de l'Oncle Sam, soit un peu plus d'un an après l'assassinat et la mort de Tupac Shakur à Las Vegas. Alors que la sphère rapologique se remet à peine de ce drame, The Notorious B.I.G disparaît le 7 mars 1997 dans des conditions similaires. En l'espace de quelques mois, autant qu'il n'en a fallu à Jay-Z pour ensuite vendre plus d'1,5 millions de ce nouvel opus, le hip-hop américain venait de perdre deux de ses plus grandes figures. Qui plus est, chacune représentative d'un style et d'une idéologie particuliers et cristallisés dans une rivalité des labels Death Row Records à l'Ouest et Bad Boys Records à l'Est. Sauf que déjà affaibli par le départ de figures importantes comme Dr. Dre, l'entreprise de Suge Knight commence à prendre l'eau et ne sera vite plus que l'ombre d'elle même.


Pour la maison de disque new-yorkaise le constat est moins alarmant mais son président, Puff Daddy, vient tout de même de perdre sa poule aux œufs d'or et ami. Pour rebondir, le producteur aux lunettes de soleil ne va alors pas hésiter à sauter sur la meilleure opportunité qui se présente à lui en la personne du rookie Jay-Z, ami d'enfance du défunt Biggie Smalls.


L'homme d'affaire originaire d'Harlem sera alors derrière la composition de ce fameux In My Lifetime Vol. 1, annonciateur d'une sorte de trilogie avec donc Vol. 2 Hard Knock Life et Vol. 3... Life and Times of S. Carter. La direction artistique et le travail effectué sur les productions s'en retrouvent alors changés de la même manière que Life After Death marquait une différence avec Ready to Die pour Biggie. Si le disque contenait toujours des morceaux durs et street, Hypnotize et Mo' Money Mo' Problem , les deux singles principaux tanguaient beaucoup du côté de la pop pour un résultat plus grand public. Mais tout comme Juicy et Big Poppa le faisaient avant eux avec leurs samples tout aussi cramés sans que cela n'égratigne la crédibilité de leur géniteur.


La même démonstration est plus que palpable sur In My Lifetime... de manière même plus schizophrène encore. Sur la pochette Jay-Z remplace ses vêtements classieux de gangsters et de mafieux pour une veste de cuire de gros dur, de « bad boy », propre à l'équipe de Puff Daddy. Équipe qui, sous le nom de The Hitmen, s'occupent de la majorité des titres pour ne laisser que peu de places à DJ Premier (Intro : A Million & One Questions / Rhyme No More, Friend or Foe '98) et Ski (Streets Is Watching, Who You Witt II) présents sur Reasonable Doubt et instigateurs de sa musicalité si particulière.


Les musiques vont alors quitter les mélodies délicates faites de cachemire pour devenir plus clinquantes, tape-à-l'oeil et parfois de mauvais goût comme avec I Know What Girls Like. Placé en troisième position, juste après le bon The City Is Mine concocté par Teddy Riley et Chad Hugo et son sample plutôt bien senti de You Belong to the City de Glenn Frey, le titre est aussi délicat que les (faux) seins et les fesses de Lil' Kim, ici en featuring. Avec son beat bien gras et tapageur, une Kim dans son rôle de baddest bitch et un Puff Daddy qui passe pour un dégueulasse avec ses commentaires tout au long du titre, ce morceau est une anomalie au milieu des treize autres.


Heureusement ce n'est que la seule erreur aussi grossière commise et le reste peut se targuer de posséder des instrumentaux plutôt solides et convenant bien à la personnalité du rappeur des Marcy Projects ; entre frime et obsession de rester proche de la rue. Mais si l'empreinte de Puffy est certes présente, elle n'opère pas un virage extrême pour Jay-Z, au contraire, ses thèmes et ses manies favoris étaient déjà présents sur son précédent disque et ne cesseront jamais de grandir sorties après sorties. Jusqu'à nous raconter de la plus simple des manières sa vie de millionnaire dès The Blueprint. Le travail de production effectué sur In My Lifetime a sans doute servi à décomplexer Jay-Z pour la suite, et sans doute un peu trop, quelques critiques s'élevant dès la sortie de ce disque pour critiquer le côté moins « street » du disque. Jusqu'à continuer sur Hard Knock Life et pousser Jay-Z à miser sur un album plus dur et un retour béni de DJ Premier dès le Vol. 3 pour compenser cette perte de mojo auprès d'une part de son auditoire.


Pourtant des morceaux comme Real Niggaz et son refrain repris de Biggie avec en featuring Too $hort, ou Streets Is Watching et Rap Game / Crack Game (produit par Big Jaz son ancien mentor) restent toujours aussi efficaces et proches des thématiques propres à la rue. Sans compter Where I'm From et son ambiance pesante où Jay cite Nas dans sa liste des meilleurs rappeurs au détour d'un couplet. Ce qui n'empêchera pas les deux Mcs à se livrer à un beef sur plusieurs années.


Si le travail des Hitmen reste certes clinquant, il n'empêche que la soul samplée à tour de bras donne une identité propre et soignée à l'ensemble. Ce qui permet d'accompagner à merveille le flow moqueur et assuré du rappeur de Brooklyn sur Imaginary Player ou sur les plus intimistes Lucky Me et You Must Love Me, sur les travers de la popularité et de sa vie avant la musiques.


Avec une collaboration de Puff Daddy, le disque de Jay aurait pu s'avérer être plus catastrophique que cela. Mais au final In My Lifetime reste un des albums les plus cohérents de sa carrière, entre le trop plein de featurings de sa « suite » Hard Knock Life et ses come backs ratés façon Kingdom Come. Déjà le symbole du rappeur attiré par le matérialisme et les hits, mais désireux de garder un pied dans la rue que le grand public lui connaît, Jay-Z écrivait avec ce premier extrait de son journal un nouveau chapitre de sa montée vers le trône de meilleur rappeur de New-York. La suite au prochain épisode.

Stijl
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le 13 août 2015

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