King Crimson, un groupe complètement à part. Il a plusieurs caractéristiques. Déjà, son histoire, qui est complètement anarchique. Les musiciens n'arrêtent pas de se désister et de remplacer ! Seul Robert Fripp reste sur le navire. Il me fait marrer d'ailleurs: il a toujours prétendu ne pas être le leader, mais c'est le seul à être rester sur tous les disques, il a carrément décider du renvoi de certains membres... si ça c'est pas se comporter comme un fondateur, je sais pas ce que c'est... Une autre particularité, c'est évidemment son genre. Il y a les groupes de musiques, et il y a King Crimson. On le reconnaît à son imprévisibilité totale. Son son est encore plus soigné que chez Pink Floyd, dès qu'une musique est bien mise en place elle se renverse, des musicalités surgissent qu'on n'entendrait jamais ailleurs... Il y a un style expérimental unique, qui sombre rarement dans l'inécoutable, et qui devient une véritable porte musicale vers des possibilités d'exploration infinies. Une musique de King Crimson qui est finie n'existe pas: à chaque écoute, leurs chansons se développent davantage, car toujours à fouiller. Ce groupe est fascinant. Voilà pourquoi je voulais absolument écouter, ces derniers temps, ce disque à la fois éminemment culte et discret. Car on en arrive à la troisième particularité de King Crimson: ce sont les principaux investigateurs du rock progressif ! Et pourtant, aucune chanson n'est "tubable". Avec leur influence, Pink Floyd deviendront les grands musiciens que l'on connaît, Mike Offield surgira, Tangerine Dream, Moody Blues, Muse pour citer plus actuel... tout ça grâce à leur soif de curiosité dont ce groupe a su tirer profit. Quelle tristesse alors que ce disque, malgré sa pochette impeccable et renommée, soit devenu confidentiel avec le temps (je ne connais personne qui le connaisse... à part mon père mélomane). Ça devient pour moi un devoir de propager cet héritage grandiose. Place au disque, donc.
"21 St Century Schizoid Man" annonce la couleur. Il a une introduction quasi silencieuse, comme le vent de la folie qui semble venir souffler sur la braise. Et puis, paf ! La maladie psychique est là ! Et une voix robotique, comme sortie des tréfonds des Enfers, raconte pourquoi... La musique est très violente, plus que certains titres métal, comme j'en ai rarement entendu. On est dans le brutal, en plein dans la racine de la Folie. Les cris musicaux surgissent de partout, le narrateur est aussi assailli que nous, il n'y a pas d'issue à ce déluge d'horreurs ! C'est magnifique. On ne peut pas rester indifférent face à ce titre."I talk to wind" change du tout-au-tout: on passe à l'acoustique, au rêve, quand on venait de se prendre une douche métallique et cauchemardesque. Les vocales sont envoûtantes, j'ai pas mieux comme adjectif. Et l'ambiance, qui aurait pu virer mièvre, est ultra-douce et enchanteresse. D'ailleurs, c'est le seul titre qui n'a pas une structure infernale. Comme un court répit. "Epitaph", généralement la plus appréciée, est une des très rares chansons anglaises capables de m'émouvoir. Je précise que je ne sais pas de quoi ils parlent. Mais le chanteur est tellement impliqué et touchant, la musique d'une puissance mélancolique indescriptible, avec sa guitare si radicale, et surtout avec le plus beau fondu musical que j'ai jamais entendu... La première écoute de ce titre est inoubliable. "Moonchild" a de quoi déconcerter. Ce n'était déjà pas un disque hyper accessible, là, ça devient carrément un défi ! Il a une première partie géniale, et une fin qui sonne comme d'ultimes râles (oui, la musique n'est pas du tout joyeuse). Par contre, le milieu, et en l’occurrence la plus grosse partie de ce morceau... C'est digne du niveau du disque 2 d' "Ummagumma" de Pink Floyd. Comprenez par là que c'est l'excès de l'expérimentation, qui produit plus de bruit que de musique au final, et ça finit par crisper. Mais bon, y' a la fin qui rattrape. "The court of Crimson King"... Ce que j'adore particulièrement chez King Crimson, c'est qu'ils ne ratent jamais leurs finals, encore plus soignés que chez les autres. "The ConstruKtion of Light" avait déjà offert une fin juste épique. Là, c'est le top. Les chœurs font parti de mes top 5, la musique est géniale, l'ambiance est chaude comme pas croyable. Et puis, c’est un titre très farceur ! D'un coup, il s’interrompt pour un solo de flûte, contrastant complètement avec ce qu'on vient d'entendre, qui fait place à un crescendo magnifique... Il reprends sa trame, s'arrête lentement comme pour les "vraies" chansons. Quelques secondes de silence... et c'est reparti ! Et finalement, la vrai fin du disque se fait au plein milieu d'un emballement ultra-rock. On est terrassés, on se demande vraiment ce qu'on vient d'écouter. Et comme il ne s'offre pas dès la première écoute, on le remet immédiatement. Le génie est indiscutable.
Vraiment, quelle tristesse que King Crimson ne soit pas davantage connu... Un album ESSENTIEL.