...la rumeur des instruments, des chœurs lointains mêlés au piaffement des chevaux: vous n'êtes pas aussi perdu que vous l'aviez cru.
Cette route, curieusement pavée de pierre bleue qu'on ne trouve nulle part dans le royaume du roi écarlate, vous mène bien à la cour.
Vous devinez déjà le spectacle qui vous attend en haut de la côte : le château de pierre rouge, encore loin, les tentes et les pavillons sur le champ de mars alentour, les longues tablées de bois entre lesquelles se presseront les pèlerins et les jongleurs, les montreurs d'animaux... vous verrez d'abord la silhouette du beffroi, bien sûr, découpée sur l'aube, avec dans son rectangle de pierre évidée la grande cloche noire - celle qu'on voit sur les bois-peints et les enluminures, celle-là même dont les coups graves vous ont tiré d'un rêve avant l'aube :
l'Appel de la sorcière du feu, convoquée au solstice.
Souffle court ( de si bon matin ? ), vous hâtez le pas avec toujours cette petite inquiétude qui ne vous quitte plus depuis la dernière auberge - c'était si loin ! - et les avertissements de vos compagnons d'une nuit : vos lettres de cachet suffiront-elles pour franchir la Porte des Pèlerins ?
The court of the crimson king vous dépose devant l'enceinte d'un étrange château. Cette chanson est un roman de fantasy à elle seule.
Mais c'est en vérité la dernière de l'album.
Le disque a commencé par un morceau indescriptible, une clameur de Nazgûl percé par Eowyn - 21st Century Schizoid Man.
Après I talk to the wind, beau mais simple et lent, manifeste calme de celui ou celle qui ne laissera personne l'utiliser, Epitaph déroule sa prophétie : la confusion va s'installer, fissurant les hauts murs, éparpillant les compagnons, changeant nos rêves en cauchemars. Les échos de la chanson font trembler les chaînes et tomber les lourdes tapisseries historiées.
Arrive Moonchild, comme un interlude, staccato aigrelet:
"Appelle-la Enfant de Lune, dansant sur le gué de la rivière, Enfant de Lune solitaire, endormie à l'ombre d'un saule. Elle discute avec les arbres, les toiles d'araignées, dort sur la margelle d'une fontaine, dirige le chant des oiseaux de nuit avec une baguette d'argent, elle attend le sourire d'un enfant du soleil..."
et commence la dernière chanson ( ça y est, vous avez gravi la pente de pavés bleus ) : The court of the crimson king. Bientôt, vous pourrez déchausser vos pieds endoloris et sourire en regardant la danse des poupées.
( la couverture ( si célèbre ! ) convient mieux à 21st Century Schizoid Man qu'aux autres morceaux )