Tout progeux qui se respecte déteste deux choses : les années 1980 et le succès. Malheureusement pour eux, Genesis est devenu pour eux l’étendard des musiciens corrompus : ils ont brillé, mais maintenant ce ne sont plus que de la musique plate digne à remplir les stades, au détriment de leur art. Et on appellerait ça du Rock FM. Vous noterez la condescendance de ces propos : comme si la musique populaire était forcément de moins bonne qualité, objectivement parlant. Bon, vous me direz, c'est nous les progeux, on aime bien rager et être jaloux du succès des autres.
Et oui ! En 15 ans Genesis a changé. Certains auraient préféré qu'ils fassent la même chose que durant la période Peter Gabriel mais figurez-vous que ça existe, ça s'appelle Marillion et c'est chiant comme la mort (change my mind). La musique a évolué depuis et certes, si elle s'est éloignée du prog pour quelque chose de plus pop, ces morceaux ne manquent pas d'efficacité. Je ne vous cacherai pas que tout n'est pas parfait (j'ai tendance à trouver Invisible Touch trop rapide et rentre-dedans, In Too Deep un peu trop mielleuse, et le refrain de Anything She Does a le même côté agressif/insupportable que l'immonde Who Dunnit ? heureusement ça passe ici), mais les titres comme Land Of Confusion sont d'une énergie aguicheuse (ajoutez à cela son clip) !
Cependant, dire que toute la dimension progressive du groupe a disparu par la carrière solo de Phil Collins et leur soif d'argent, ce serait du pur mensonge. On pense évidemment à la suite Domino, la conclusion instrumentale Brazilian, mais celle qui me marque le plus est la longue Tonight, Tonight, Tonight single de l'album qui dure quand même 8 minutes, remarquable par son pont instrumental qui cultive les atmosphères étranges, et son joli crescendo en milieu de morceau.
Et non, ce n'est pas un album "de Phil Collins". Certes, le succès de sa carrière a potentiellement influencé certains titres de l'album comme les ballades un peu secondaires comme In Too Deep ou Throwing It All Away (et puis c'est un membre du groupe à part entière, ce serait con qu'il n'influence pas son album). Mais de là à dire que le trio est soumis aux lois de l'argent de Phil, c'est au mieux de la mauvaise foi, au pire de l'ignorance de quelqu'un qui n'a jamais écouté la carrière solo de Phil Collins, car beaucoup de titres ici n'irait tout simplement pas dans un album de notre chanteur-batteur préféré.
Tout ça pour dire que Genesis est loin de correspondre aux à priori répandu par ses adorateurs/détraqueurs partisans du c'était mieux avant. Certes, si cet album est le plus grand succès commercial du groupe, c'est parce qu'il regorge de titres efficaces (mais est-ce vraiment une mauvaise chose ?) Toutefois, le groupe a su faire la passerelle entre leurs origines prog, le pop-rock et les accents des années 1980. Je ne peux vous le cacher, certains synthés datés ont un peu mal vieillis, mais dans ce cas, cela reviendrai à blâmer des vieux solos kitsch (Riding the Scree, on t'oublie pas).
C'est comme ça que Genesis a réussi à marcher sur 3 générations de musique.