Qu'on se le dise, non cet album n'est pas un must des Rolling Stones. Pourtant je pense qu'on peut tout de même y trouver un intérêt. Deux raisons principales à cela :
- c'est le dernier album avec Mick Taylor à la guitare ;
- il n'y a pas Ron Wood dessus.
On a donc le droit à un album plutôt rock 'n' roll (mais on aime ça hein) introduisant quand même de nouvelles sonorités, un peu à la manière du précédent Goats Head Soup. Les trois premiers titres sont plutôt plaisants et entrainants ; assez proches finalement de ce que les Stones ont pu faire durant leur "âge d'or". On retrouve cet esprit blues-rock et chantant tout au long de l'album et notamment sur Luxury (tout d'un tube mais finalement un peu lassant au fil des écoutes) et Short and Curlies. Du riff et des refrains en chœur faciles à retenir. Il manque en fait un peu de créativité et de prise de risques là-dedans, c'est sans doute ça la grosse différence avec un Let it Bleed ou un Sticky Fingers... Une reprise dans le tas : Ain't Too Proud to Beg des Temptations. Pas de réel intérêt pour être honnête, le titre étant finalement assez proche de l'original.
Comme d'habitude on a le droit à la quasi systématique ballade country-folk : Till the Next Goodbye. Mélodies en slide et refrain chanté en chœur. Pas hyper original mais l'aspect un peu fade de la première écoute s'efface progressivement et on en vient à trouver ce titre plutôt agréable. L'ombre de Wild Horses sorti quelques années plus tôt sur Sticky Fingers, plane. On ne se mouille pas une nouvelle fois et on réutilise les recettes qui fonctionnent.
En revanche, le géni de cet album se trouve à mon sens dans ce Time Waits For No One, directement sorti de la tête et des doigts de Mick Taylor (même si c'est Richards qui est crédité du solo, on devine tous à l'écoute que ce n'est pas vrai). Aérien et entêtant ; rythmes jazzy chaloupés et gamme mineure. Magnifique. Le titre se termine sur un long solo ponctuellement accompagné du piano de Nicky Hopkins. Je reviens régulièrement sur cet album dans l'unique but de passer en boucle ce titre.
Keith Richards est donc assez peu présent sur cet album (la chnouf, un fléau!). Dance Little Sister, le "nouveau son des Stones", il faudra s'y habituer, il est pourtant bien là. Ce son à la fois brut et disco-funk, lui revient de droit et deviendra la marque de fabrique du groupe sur les albums de la fin des seventies et tout au long des années 1980.
Le gros point faible de l'album se trouve à mon sens dans ce If You Really Want to Be My Friend, très dispensable, trop. On ne retrient rien de ce titre et j'ai tendance à décrocher de l'album à ce moment-là. Et à oublier qu'il existe. Heureusement, Fingerprint File vint conclure en nous laissant sur une note positive avec encore une fois ce style qui préfigure l'avenir des Stones. Petite anecdote pour ce titre, on renverse les rôles : Mr funk à la guitare rythmique n'est autre que Mick Jagger, Taylor joue la basse tandis que Wyman est aux synthés.
Ce qui ont critiqué, voire descendu cet album à sa sortie ne devaient surement pas imaginer ce qui les attendait ensuite. Rétrospectivement, je le trouve vraiment sympa et il vieillit bien. Je le préfère à Goat Head Soup d'ailleurs et je regrette le départ de Taylor qui n'a jamais pu défendre ses compos en live. Il n'existe donc pas de version live de Time Waits For No One et ça, c'est un drame.