Je me souviens encore de la première écoute de cet album...
C'était il y a un an, tout juste. A cette époque, je tenais à bout de bras la vie d'une amie, qui venait de tout perdre et qui manquait, en plus, cruellement de confiance en soi. "J'accuse" est le premier album de Saez que j'ai écouté, dont j'en ai entendu parler dans "l'Express" (ce qui est assez ironique vu son dégout des médias) et qui m'a tout de suite intéressé. Et c'est bien simple, je n'avais jamais écouté quelque chose comme ça auparavant. C'était le choc total. Le néant brut. L'enfer sous nos yeux, et qu'il rend beaucoup plus agréable. Des mots en forme de larmes. Des mélodies comme des cris. Et tout ça qui sort de son corps, de son âme incroyablement blessée par ce monde qui n'est pas du tout fait pour un être pareil, lui dans le noir et nous offrant la lumière là-dedans... Je l'avais réécoutée une deuxième fois, incroyablement émeu. Et depuis ce jour, Damien et moi nous ne nous sommes plus quittés, l'écoutant au moins une fois tous les trois jours (et pendant les périodes sombres, c'est journalier). Mais bref, parlons de l'album en lui-même!
Il s'ouvre sur "les Anarchitectures" en capella (prenez moi pour un con ou non, j'ai cru au départ que l'album entier serait comme ça...). Rien que là, il te fous une baffe et tu fermes ta gueule. Le texte sonne terriblement vrai, et il le ressortira d'ailleurs pour défendre sa pochette controversée de manière ridicule (vive la liberté d'expression !) dans une émission de télé. Après, "pilule" défonce littéralement tout sur son passage. C'est la nervosité même de la vie moderne, le rythme infernal dans lequel nous enferme notre société. "Cigarette", avec son double sens magnifique, est un puissant hurlement de révolte, un indestructible appel à l'amour. Et les guitares qui pincent les mots de Saez, comme pour les épingler au travers de sa fumée... "des p'tits sous", également génial et très entrainant, donne envie de bruler les billets (puis on se rappelle que mine de rien, malgré e qu'on en dit, il en faut). Presque tous les textes de "j'accuse" sont de la même famille, se relient ensemble, se joignent pour former un immense bras d'honneur de la part d'un désespéré hypersensible. "sonnez tocsin dans les campagnes" est le premier relâchement du disque, pour la simple et bonne raison que j'ai écouté le titre inédit "police", qui est sur cette musique, et que y'a pas à dire ça arrache, et à côté les tocsins de campagnes parait bien faiblard. "j'accuse", également hyper efficace, cible précisément nos chasseurs et ça fait du bien. Enfin, il change de sujet (parce qu'il faut bien dire qu'au bout d'un moment, c'est un tantinet répétitif) avec "Lula". Avant lui, j'avais jamais entendu parler des filles comme ça. Et lui, plus que quiconque, parle de la vérité féminine. Je me reconnais parfaitement dans sa vision des femmes. Chanson hyper-belle, donc, avec une fin de texte juste sublime. "Regarder les filles pleurer" est bouleversante du début à la fin. De plus, il m'a surpris (je ne m'attendais pas du tout à ce que ça le rende gai... n’importe qui d'autre aurait dit autre chose) On sent alors que Saez n'est jamais et ne ressortira jamais vraiment de ses peines d'amour ou de l’adolescence, et on en souffre avec lui. Et son passage "moi, quand je vois les larmes..." est juste incroyable, tellement c'est le ressenti de beaucoup trop de gens vis-à-vis des femmes (dont moi). Son thème, assez space faut le dire, reste vraiment beau, surtout le début avec les soupirs et les gouttes. "les cours des lycées", encore une fois une chanson trop réaliste hélas (je sais, je suis lycéen), se déchaine et donne une fois encore naissance à une envie de se révolter, de changer de mode de vie. "Les printemps", que bizarrement il a toujours massacré en live, est magnifique. Les formules excellentes se multiplie, et son énumération des Interdits (qui, personnellement, me laissent une impression d' incompréhension et me dégoute) éclaire beaucoup l'absurde qui émane du Pouvoir. Puis, vient "Marguerite". Et c'est là que je vais m'expliquer pourquoi j'ai citée mon amie au tout début de la critique... quand j'ai écouté cette chanson la première fois, j'ai éclaté en sanglot, vers la moitié. Parce que Marguerite, je la connais, c'est mon amie, c'est juste qu'elle a un autre prénom. Et en plus de me faire penser à la personne qui prenait tout mon temps à cette période, le salaud, il décrivait à la perfection ce que je ressentais devant elle, mon émerveillement de la connaitre tout en sachant le pouvoir destructeur qu'elle avait sur moi. J'ai eu cette chance. Et toujours, cette chanson me bouleverse complètement (le texte est juste exceptionnel, la musique de même, la voix pleine de fissures est belle à chialer), me donne des frissons pas possible et me ramène à ces jours sombres avec elle, où la moindre lumière avait l'éclat d'un soleil. Avec "Amsterdam" de Brel, c'est ma chanson préférée, tous disques confondus. On est obligés de descendre d'un cran avec la suivante, "on a tous une Lula", qui reste géniale. Avec un texte pas très évident à cerner d'ailleurs. Enfin, l'album s'achève avec "Tricyle Jaune". Celle-là aussi, avec sa musique et ses paroles, me ramène à cette période. Et là, tout l'album noirci par le soleil obscur de Saez, s'éclaire sur cette ballade incitant à l'évasion et à l'amour, après avoir énuméré tous les obstacles de ces deux éléments primordiaux sur tout cet album incisif. Ça y est, on fuit tout ça, c'est possible, vive l'utopie, prend ton tricycle, emmène celle que tu aimes avec toi, et fonce, vis la Vie... Je me sens toujours triste quand j'entends les deux coups brutaux de tambour.
Un album juste indispensable donc, et un de mes préférés en général. Il m'a soutenu durant l'épreuve auprès de mon amie (que, Dieu merci, j'ai réussi à sauver au final), m'a présenté des chansons hallucinantes et m'a apporté un artiste essentiel à mes yeux. Quelqu'un avec qui pleurer, avec qui brailler. Oui, on est damnés,e t on n'a pas peur. Merci, Saez.