Kanye West a toujours été un maître des identités. À chaque nouvel album, il entame son prochain arc de carrière. Regard frais, son frais. La marque est cruciale pour Ye.
Il a toujours été difficile de connaître ou reconnaître Kanye. C'est comme regarder quelqu'un qui se sent à la fois étranger et ami. Les gens changent, c'est un fait, mais les nombreuses transformations de Kanye West sont devenues l'une des plus grandes énigmes de la culture pop.
Il est impossible de savoir quel Kanye nous obtiendrons d'un album à l'autre. Avant d'écouter Jesus Is King , son neuvième album studio, je souhaite toujours poser la question suivante: Qui est Kanye West? Pas qui était Kanye West, mais qui est- il, aujourd'hui, le 25 octobre 2019. Voyons si cet album ajoute une nouvelle identité à ce génie en perpétuelle mutation.
Une petite demi heure plus tard...
Kanye West n'a pas menti; Jesus Is King est un album gospel.
Un grand album Gospel.
Pas à cause de ses choeurs, mais à cause du contenu. Il a mis Jésus au premier plan et n'a jamais perdu de vue le Christ tout au long des 11 titres de l'album. Chaque enregistrement est relativement court, mais Jesus Is King ne bouge pas. Il y a de l'anxiété et de l' intensité. C'est subtil.
**Il n'y a pas de surproduction.
L'album a un seul point commun avec YE, outre sa courte durée, c'est ce mélange une fois de plus entre le minimalisme abstrait et la nudité magistrale.
Dès la fin de l'album, nous sommes obligé de se refaire le film dans notre tête :
Sur l'ouverture "Every Hour" une chorale chante mais on jurerait que certaines voix sont accélérées. Le piano en liesse et les applaudissements font live. C'est une intro tonitruante.
"Selah" arrive et Kanye entre en scène. Il est sérieux et nous pouvons sentir sa sincérité. Pas de beat encore mais des "halleluja" transcendants qui commencent à faire taper la chamade notre petit coeur dans sa poitrine.
La piste 3, "Follow God" envoie une boucle de Whole Thrue (1969) et boum! Kanye rappe sur un beat facile mais emballant qui met de suite en joie. Le titre est trop court mais c'est un condensé de ce que j'aime terriblement de Kanye West.
"Close on Sunday" se présente et l'émotion avec. La mélodie et la production sont déchirantes malgré un mixage incroyablement minimaliste. La voix de Ye est perturbante de vérité. Nos yeux deviennent humides et chauds.
Et voici "On God"! Ho my GOD! Quel chanson avec ces claviers futuristes "Daft Punkesques" époque Tron (Pi'erre Bourne). Kanye parle de son côté sombre, de ses mensonges de ses faiblesses, sans se plaindre sans demander pardon. Titre fou!
"Everything we Need" est le titre de Ty Dolla. Il est magnifique dessus. On dirait qu'il a volé toute l'âme d'une église pour chanter ses notes. Splendide.
Le septième titre est "Water", un moment dépouillé et chaud, doux pour les oreilles comme le bruit de la pluie qui résonne. Vocalement, le chant ici est vierge. Ant Clemons et cette chorale sont adorables. Kanye parle à Jésus. La force est toujours là, cette force de conviction que nous ressentons à chaque seconde.
Et voici "God Is", le monument. Kanye West lâche tout. La passion derrière le chant est la plus sincère ressenti depuis longtemps. Kanye attrape le Saint-esprit et nous transperce de part en part. La râpe sur sa voix est le point culminant de l'album. Jesus Is King, c'est comme si 808s & Heartbreak était un album gospel avec des chorales au lieu de l'Auto-Tune.
Après ces émotions, quelle belle idée ce "Hands On", encore une fois minimaliste mais tellement prenant. Kanye ne se sent pas alourdi par le moindre doute. Chaque lyrique semble pure. Il ne se déchaîne pas, il ne crie pas contre les opposants, il est juste franc avec les auditeurs comme si nous étions de vieux amis. J'aime beaucoup ça. C'est une rafale de voix, trempées dans toutes ces textures. Je me demande où Kanye a enregistré ce titre? Il est dans un monde différent. Incroyable.
Quand "Use This Gospel" commence, on se rend compte que les chansons se plient vraiment bien les unes dans les autres. L'accumulation ici est tellement minime. À bien des égards, ces chansons ressemblent à un croisement entre 808 et Yeezus. C'est tellement dépouillé et nu. Je dois y retourner, mais c'est semblable à Blonde avec encore moins de percussion et beaucoup plus de religieux évidemment. La voix de Pusha-T pourrait couper une porte en acier. C'est tellement tranchant et imposant. J'ai besoin de lui pour faire une mixtape sur des rythmes sans beat.
Et puis ce saxo fou entre en scène...
Mes oreilles se sont levées pour un intermède au paradis.
Le dernier titre "Jesus is Lord" est étonnant dans sa durée, très étonnant. Mais pas mauvais.
En résumé, Jesus Is King trouve Kanye plus apprivoisé.**
À la première écoute, Jesus Is King ne trouve pas Kanye qui demande pardon ni ne confronte aucun acte répréhensible. Les paroles sont honnêtes et les plus sincères de Kanye ces derniers temps. Il a l'air renouvelé - tout juste sorti de l'eau du baptême - mais n'offre aucune phrase qui ne soit pas liée à Jésus.
La meilleure façon de décrire l'album est un dimanche à l'église. Alors que le prédicateur prêche, un homme se lève, se dirige vers la chaire et avoue que Jésus est son sauveur, que Jésus est son roi.
Sans aucun doute, l'église entière se lève à son tour, l'entoure et l'embrasse.
8/10