Qu'il est caricatural de résumer cet album comme un album gospel, pire de trouver un lien de causalité entre le passage de Kanye West en asile psychiatrique (en 2016) et son intérêt pour la religion …
Ce n'est pas la première fois que Kanye parle de Dieu : "No Church in the Wild" (2011) ou "I Am God" (2013) en témoignent. En outre, il avait déjà amorcé ce virage gospel dès les deux premiers morceaux de l'album "The Life Of Pablo" (2016) : "Father Stretch My Hand, Pt. 1" et "Ultralight Beam" dont les paroles parlent d’elles-mêmes et relèvent une considération religieuse antérieure à "Jesus Is King" :
We don't want no devils in the house,
God We Want the Lord,
Hallej-hand over Satan,
Jesus praise the Lord
(Ultralight Beam)
On peut être déconcerté et regretter l'ancien Kanye. Mais qui peut le définir lui et sa musique ?
Personne, parce que cela est impossible, il est un pionnier. Tous ces albums ont une identité propre, celui-ci plus encore par le thème développé, et l'impression qu'il est une somme de son œuvre :
- Le puissant "Selah" semble sorti de "My Beautiful Dark Twisted Fantasy" (2010) ;
- "Follow God" ressemble à “Otis” dans “Watch The Throne” (2011) ;
- L’électro "On God" aurait toute sa place dans "Yeezus" (2013).
Kanye West est un artiste empreint de spiritualité. Il ne développe pas sur sa foi dans un but propagandiste, ce fut certainement pour lui un moyen de thérapie :
He has opened up my vision
Giving me a revelation,
This ain’t bout a damn religion
Jesus brought a revolution
(God Is)
Mais aussi un vecteur pour dénoncer les vicissitudes de la société à laquelle il appartient lui-même :
The Devils had my soul, I can't lie,
Life gon' have some lows and some highs,
Before the Grammy's ever gave a nod,
I wore my heart on my sleeve, I couldn't hide
(On God)
Et un outil pour reconnecter les gens, en tout cas ceux qui adhérent à la vision de Kanye. Ses « Sunday Service » (offices religieux en musique, que Kanye donne tous les dimanche) ont des allures de sectes new age, mais font un carton.
Interrogé par Beats 1, le jour de la sortie de son album, il déclare qu’il est le meilleur artiste de tous les temps (celui de sa génération c'est par contre, certain), on explore cependant depuis peu un Kanye moins égocentrique, plus vulnérable qui expose ses obsessions et ses troubles mentaux, dans un album très introspectif.
Musicalement, l’album (court, de seulement 27 minutes) est composé de très bons morceaux : "Selah", "Follow God", "On God" ou encore "God is". L’usage d’un saxo et de cuivres (plutôt rare dans l’œuvre de Kanye) conclut divinement l’album, de celui qui a annoncé : « un jour je serais président des Etats-Unis ».