J'ai à plusieurs reprises eu le dessein de m'aventurer dans une critique de Kanye West, cependant ses œuvres sont tellement immenses, sacrées, psamoldiques, que c'est avec une abhorration de ne pas être à la hauteur que j'abandonnais dès lors la rédaction du premier phonème.
Il en est de même avec son dernier album, "Jesus Is King", dans lequel l'américain fulgure majestueusement dans ses O Salutaris mesurés et rappés. Mais, je crois, néanmoins, expédient et sage d'obéir à l'impulsion qui m'entraîne, aujourd'hui, à honorer monsieur West, contre l'assainissement de la canaille matérialiste, qui voit en l'album, qu'un délire névrotique et logorrhéique.
Mais à qui la faute ? A qui la faute si Kanye West est si incompris et critiqué ? L'époque moderne est une horrible gourgandine, une chienne qui aboie un épidémique balbutiement qui sévisse partout dans les tristes faubourgs. Cette déclaration sera trop crue et peut-être même trop vilaine pour la racaille hédoniste, sauf que je n'écris guère pour la racaille hédoniste. Car les lampistes de la lumière obscur de la modernité ferment leur porte avec fracas, sans comprendre ni, ne serait-ce, écouter l'album, de l'anachorète Kanye.
Il est, pour les rappeurs, un illuminé déglingué dont ses musiques sont, au mieux, selon ces avanies, des églogues parsemées ci et là dans divers d'album, et, pour les chrétiens de foi, un converti, rien de plus, une brebis quelconque, longtemps égarée dans les pâturages du rap et qui réintègre l'Eglise pastorale anglo-saxonne.
Sauf qu'il est tout autre, Kanye West est le Verlaine moderne, le Paul qui, après conversion à la foi catholique, eut écrit "Sagesse", ce recueil de poème mystique et spirituel, au possible, qu'il nous est jamais donné de lire depuis. "Jesus Is King" est le Sagesse de West.
Comme "Sagesse", tel est le prodige de "Jesus is King" : Il parle de Jésus en Croix, de la Vierge Marie, des anges, reprend toutes les vieilles idées, toute une iconographie si majestueuse et qui a tant orné tout un art, et ceci, des siècles durant ; des vieilles images que ce siècle, de sophistes et de calembredaines, ont banalisées, déteintes, ridiculement mais aussi méticuleusement, jusqu'au pédoncule de nos esprits.
"Jesus is King" restera, hélas, bien critiqué, de la même manière que l'est son auteur, mais il sera un outil à ne guère négliger : celui qui permet de distinguer les bons des vilains.
J'aurais pu encore pérorer des pages et des pages, mais il y a un distique de Verlaine qui exhale le dictamen de l'Infini résidant au plus caché de nos âmes, que seul Kanye West érige dans son art, qui vaut toutes les paroles que je pusse avoir :
"Mourez parmi la voix que la prière apporte /
Mourez parmi la voix terrible de l'Amour !"