Un après-midi je m'en souviens, j'étais sur les bancs de l'école, j'écoutais Stefani.
Elle n'était pas encore Lady Gaga, et c'était quelques mois avant le raz-de-marré justifié qu'allait être The Fame. J'aimais beaucoup la spontanéité de cet EP Red And Blue.
Cinq morceaux emprunts de blues/jazz/pop-rock à des degrés divers quoique pas forcément subtils.
L'on ressentait les larges influences de la chanteuse derrière les instruments classiques qui allaient bientôt être remplacé par des synthétiseurs et autres éléments plus artificiels, sans être malvenus dans leur contexte.
Aussi ne comprenais-je pas pourquoi elle n'était pas plus populaire et quiconque à qui j'en parlais haussait les épaules en me demandant "elle est sur NRJ?"
C'était si triste au fond, lamentable quelque part, qu'un artiste ne soit consacré qu'à partir du moment ou il passe à la radio. Moi d'ailleurs je me souviens avoir suivi le schéma inverse concernant la jeune femme alors qu'elle était à l'aune de la célébrité.
A la sortie de son premier tube,Just Dance, j'ai laissé tombé.
Bien sûr j'étais content pour elle, je savais alors qu'elle irait loin, j'y croyais beaucoup. Mais le fan que j'étais déjà depuis un moment s'est caché. Un temps. Parce qu'une partie de moi reniait le virage totale orchestré par ma douce Germanotta, même si quelques titres (Paper Gangsta, Brown Eyes, entre autres) maintenaient l'illusion à mes oreilles.
Puis je me suis aperçu qu'au-delà de l'ancienne rockeuse en puissance qu'elle aurait pu être, en fait elle "rocksait" toujours, mais dans une autre catégorie. Car autant pouvait-elle être douée au piano autant que par son chant alors mésestimé (aujourd'hui reconnu), autant elle se révélera également être une business-woman monstrueuse et diablement intelligente, en plus d'être en mesure de s'approprier nombre de genres musicaux avec plus ou moins d'intégrité, même si tout est relatif.
Quoiqu'il en soit, alors qu'elle montait son empire, semblait-elle progressivement s'émanciper de ses chaines et son statut d'icône balisé "pop" en faisant certains choix habiles, toujours gouverné part l'art et l'expérimentation, qui la conduiraient inévitablement vers ce que j'espérais qu'elle redeviendrait.
Et en effet, survint enfin une publicité à la télévision.
Joanne sort.
Un nom d'album porteur d'espoir, malgré un Perfect Illusion servant l'information (pas la meilleure musique du disque, ni la plus représentative de son contenu) et me faisant craindre le pire...
J'ai eu tort.
L'écoutant j'ai par instants revu l'inconnue jouant dans des piano-bars et tentant vainement de se faire un nom, il y a presque dix ans déjà.
Si pour certains Cheek To Cheek était le début d'une nouvelle trajectoire jamais entreprise par la chanteuse, pour moi ce n'était qu'un juste retour aux sources, et j'appréhendais ce qui suivrait.
Lady Gaga, l'alter-ego de Stefani, passé cette petite récréation auprès de Mr. Bennett retrouverait-elle ses travers électro (The Fame était superbe, Born This Way moins bon, Artpop plutôt médiocre mais complètement dingue) ou s'affirmerait-elle enfin, posée, dans le registre plus sobre qui m'a fait l'aimer autrefois?
C'est en demi-teinte. .
Il y a de très belles choses dans ce disque qui enrichissent sa musique sans totalement renier son passif pop, mais c'est mieux, souvent doux.
Quoiqu'il en soit j'ai ma réponse.
[Edit Décembre 2019]
A Star Is Born confirme ce nouvel élan. Ce qui fait de moi, homme faible, un fan très heureux.
[Edit de Mai 2020] et Chromatica.
Aïe !
Mais pourquoi pas hein.
Juste... non quoi.
C'est dansant, ouais.
Au suivant.