Juju résume à lui tout seul les raisons pour lesquelles j'aime tant la musique. Du tout début à la toute fin, il propose des mélodies incroyables, des arrangements inédits, tout cela étant le fruit miraculeux de la collaboration guitare-voix-batterie si cher à la cold wave.
Celui qui a vraiment révolutionné la guitare des années 80, c'est John McGeoch. Guitariste des Banshees le temps de 3 albums, il crée un univers sonore unique et d'une très grande richesse sur Juju. Chaque putain de chanson est arrangée d'une telle façon que la guitare passe toujours avant la voix... qui elle même passe toujours avant la guitare... Vous n'avez rien compris ? Écoutez l'album ! Tout cela pour dire que cette pièce maîtresse du rock moderne met en valeur le duel entre guitare et voix. Le rapport de force entre ces deux piliers fondamentaux du rock a en effet du trouver de nouveaux tenants au passage entre 70's et 80's, et avant les Banshees, personne n'avait su proposer quelque chose de vraiment cohérent et efficace.
Ouverture sur Spellbound et ses parts de guitare qui galopent et se superposent pour créer un réel matelas rythmique sur lequel Siouxsie n'a plus qu'à poser sa voix tremblante et dramatiquement pénétrante. La batterie est là pour nous rappeler qu'on est pas là pour enfiler des perles mais bien pour faire danser ! Même topo sur Into the Light qui sonne toujours très brut avec ses phrases musicales répétitives.
Arabian Knights est le morceau le plus accessible de cet album finalement très dark. Siouxsie s'y rend plus mélodique, plus sage, tout comme la guitare qui s'est plutôt rangée du côté de la pop pour l'occasion.
Vient Halloween, pour moi un des plus beaux bijoux du rock 80's car rien ne nous y est épargné. McGeoch invoque tour à tour des arpèges planants - rappelant les plus belles guitares des Cure en polyphonie - pleins de chorus et de réverb, des riffs bruts et énervés et des accords aigus et violents. La composition est très originale, hors de question d'adopter une structure classique (on retrouve d'ailleurs cette volonté tout au long de la carrière du groupe). Siouxsie nous a sorti sa plus belle palette vocale, du chuchotement à la note tenue qui s'envole comme un rugissement. Chaque couplet adopte son propre rythme de diction, créant une émotion toujours renouvelée et un plaisir qui ne s'efface pas au long du morceau. Bref, ce morceau propose tellement de choses qu'il est à lui tout seul un manifeste cold-new-wave-post-punk, du genre de ces titres qui résument à eux tout seuls l'ambiance sonore d'une génération.
Le punk Monitor se voit doté d'une rythmique toute en saccade et en envolées, merci à une batterie basique mais soutenue et toujours présente. Nightshift est dépressive, elle se balade entre le monde d'en haut et celui d'en bas avec des logorrhées électriques doigts-dans-la-prise et une voix torturées (un peu trop ?) de chorus.
Sin In My Heart est dans mon top10 SensCritique, je DOIS lui rendre honneur. Ce morceau est répétitif à souhait et affiche une sauvagerie malsaine qu'il est difficile de rapprocher d'autres morceaux de ma connaissance. Peut-être est-il un enfant bâtard du Velvet Underground qui a aussi très bien su accoucher de merveilles dans le sang, les larmes et le minimalisme mélodique. Peut-être aussi qu'elle est un accident de studio, ce genre de morceau qui ressemble plus à un délire de répétition. Peut-être a-t-il tiré des samples de films d'horreur vintage, peut-être que c'est un robot qui fait claquer ainsi les guitares binaires... Quoi qu'il en soit on ne peut qu'être obsédé par ce rythme qui s'accélère tout au long du morceau. L'accélération a cela de magique qu'elle laisse au fur et à mesure apparaître de nouvelles phrases, de nouveaux riffs, amenant toutes les couches à entrer dans une irrésistible transe collective.
A ÉCOUTER : la version live de Sin In My Heart sur l'album Nocturne, servi par la guitare cosmique de Robert Smith. Ça se passe par ici : https://www.youtube.com/watch?v=G_N-9xIvivY