UN SOUVENIR
Un jour, en fouillant dans la discothèque de mon oncle, je tombe par hasard sur deux disques coincés entre les Bee-Gees et un autre truc que ma mémoire a oublié.
Le premier c'est un album de Rare Earth, avec le titre Get Ready full version (22 minutes) et l'autre c'est Just a Poke.
UNE DECOUVERTE
A cette époque, je suis plongé dans les grand fonds de la musique post-1967 et la pochette de ce disque (mystérieux) ne manque pas de m'interpeler. Un graphisme et des couleurs qui ne prêtent à aucun doute concernant la nature de la musique qu'il contient.
Un décor qui rapelle la magie des Milles et une nuits et les frasques du Voleur de Bagdad. On s'attend à voir un tapis volant passer au-dessus de la tête... D'ailleurs je me demande...
ET NON !
Un homme, dans un nuage de fumée légère et blanche, tire pompeusement sur un joint roulé dans l'emblème américain.
Sweet Smoke c'est joli comme nom. C'est mieux dans le texte : Sweet Smoke of the Happy Plant Pipeful.
Tout ceci est très éxotique mais pas très vendeur.
Le groupe, originaire de Brooklyn, se produit surtout sur scène dans des petits clubs new-yorkais. Ils improvisent de longues sessions psychédéliques très en vogue à l'époque. Seulement le nom très évocateur du groupe empêche les musiciens à se faire une place dans le panel existant et pas moins alllumé qu'eux.
Qu'importe, le monde ne s'arrête pas aux Etats-Unis. D'ailleurs que sont-ils sans le monde autour ?
1969, Sweet Smoke s'évapore en Allemagne et enregistre l'année suivante "Just a poke". Un bijou de rock progressif et bien plus que du rock progressif.
Au commande, l'ingénieur du son Connin Plank, prophète du Krautrock et du rock progressif, c'est dire si on est bien barré.
ET OUI
J'aurai pu vous parler de Yes (Fragile), de Jethro Tull (Aqualung). Et bien non, je n'ai pas envie, parce que dans un sens le rock progressif ça me saoule assez rapidement.
Les Sweet Smoke sont bien plus intéressants qu'ils seront moins prolifiques (un live et un second album médiocre).
Avec "Just a poke", ils mettent à profit leur expérience d'improvisateurs en nous offrant (car il s'agit bien d'une offrande) un Graal de deux jams sessions éblouissantes.
Je dis deux, je devrais dire deux fois 16 minutes.
C'est long, vous me direz.
Je vous répondrais :
"Je connais des albums bien plus médiocres en moins de temps."
Ceci dit, ce n'est pas une raison pour se caler deux fois 16 minutes. Et bien vous avez tort.
"Just a poke", c'est un furieux mélange de rock, de jazz, de funk et de soul sous acide.
L'EXEMPLE
Le premier titre "Baby Night" truste la face A.
Il est une parfaite synthese de rock 70's, de jazz et de funk. Le morceau commence en douceur avec une superbe mélodie portée par une voix des plus chaudes, accompagnée par une flûte enchanteresse. Le tempo s'emballe ensuite dans un délire jazzy rock irrésistible avant de s'approprier "Soft Parade" des Doors dans une version des plus étonnantes.
LA PREUVE
On change de face.
Un saxophone au groove frénétique et psychédélique ouvre "Silly Sally". Les guitares partent ensuite dans des dérives kaléidoscopiques avant un court solo de basse magistral annonciateur d'un long solo de batterie dantesque.
Agrémenté d'effets stéréos et de flanger, il donne l'impression d'entendre un hélicoptère au dessus de nos têtes. Ce passage, qui n'est pas sans rappeler "In-a-gadda-da-vida" de Iron Butterfly, est à tout prix à savourer avec de bonnes enceintes sinon ça compte pas.
L'ATMOSPHERE
Bon, je n'en ferai pas des tonnes. "Just a poke" est une jolie comète de 32 minutes et des poussières (d'étoiles) dans ma sphère musicale. J'y suis attaché.
Par contre, à tous ceux qui pensent qu'un morceau long est forcément ennuyeux, ce "Just a poke" groovy en diable et psychédélique va vite vous faire changer d'avis !
Plonger dans Sweet Smoke, c'est entrer dans un petit bar enfumé, s'asseoir sur des coussins, et se laisser emporter par la musique.
On entre dans un univers musical riche et expérimental où l'on cherche chaque petit effet sonore, c'est une musique très subjective qui laisse énormément de place à l'imagination.
Chaque écoute est pour ainsi dire unique.
GOOD TRIP !