Aorlhac, groupe auvergnat de black metal folklorique de derrière les fagots, nous offre ici son deuxième album studio, et deuxième volet d’une trilogie encore inachevée aujourd’hui. Fort d’un meilleur accueil que prévu sur leur premier album, la joyeuse bande de ménestrels corpse paintés attend deux ans, une réédition de leur opus précédent et une collaboration dans une compilation de reprises black metal avant de gratifier son public de cette nouvelle galette. Leur entrée chez Those Opposed Records leur offre la possibilité de recruter trois membres supplémentaires pour leurs prestations live ; quoi que l'on en dise, on peut affirmer qu’Aorlhac jouit actuellement d’une bonne réputation au sein de la scène black metal française. Ainsi, La Cité des Vents peut vous offrir une belle claque à laquelle vous n’étiez peut-être que peu préparés.
Un grand atout de la musique metal est sa souplesse musicale, son adaptation à n’importe quel environnement : le metal alternatif nous montre que le heavy metal peut sans problème se combiner au rap, au funk, le metal symphonique apprend que l’ajout d’instruments typiquement classiques peut donner d’excellents résultats tandis que le folk metal enseigne la même chose sur le metal et les instruments traditionnels de cultures très variées. Ainsi, Aorlhac nous démontre avec une grande efficacité que son folklore est très adapté à la musique lourde et bourrine qu’est le metal : dès l’introduction, pluie et guitare acoustique placent dans une ambiance folklorique, auvergnate en la présence. Et pas dans n’importe quelle ambiance folklorique : prenez la guitare acoustique, ajoutez le violon de l’introduction de "Saint Flor, La Cité des Vents" et le hurlement de loup dans le Miroir des Péchés, vous serez transportés dans une salle de banquet en Auvergne, où vous festoierez autour d’une belle pièce de sanglier rôti pendant que des dresseurs d’ours et de loups vous présentent leur numéro de cirque et que des troubadours vous conterons leurs histoires épiques. Et qu’un groupe de black metal vous joue leur musique profanatrice.
Blague à part, vous l’aurez compris, La Cité des Vents est une galette empreinte d’une atmosphère épique et médiévale très présente, non seulement grâce aux instruments additionnels, mais aussi grâce aux mélodies.
En effet, Aorlhac semble principalement miser sur les mélodies de ses morceaux pour n’en être que plus efficace : les mélodies sont si présentes au sein de cet album que l’on pourrait presque le ranger dans le black metal mélodique. Et ceci, Aorlhac le fait très bien : les mélodies des morceaux sont magnifiques en règle générale (entre autre "Le Bûcher Des Cathares", "Plérion", "Le Miroir Des Péchés"), la reprise de Taake mise également beaucoup dessus, tandis que celle de "La Comptine Du Drac" est beaucoup plus mystique, et donne au morceau un côté atmosphérique. Un morceau sort cependant du lot : "Vers Les Honneurs", avec ses mélodies beaucoup moins efficaces, car peu originales et trop variantes. L’ambiance épico-médiévale de ce morceau est par là beaucoup moins présente.
La guitare est une autre force de cette galette : vecteur de toutes les mélodies (atout majeur de l’album), elle confère également à l’ensemble une rythmique très efficace, et ses utilisations acoustiques pour les quelques ballades ponctuant l’album ("Le Bûcher Des Cathares", "Le Miroir Des Péchés", "Les Enfants Des Limbes") et ses excellents soli ("Plérion", "La Comptine Du Drac") en font l’instrument, l’élément principal de La Cité des Vents. Mais la surutilisation de cet instrument, à défaut d’être efficace, a malheureusement tendance à justement trop s’imposer au détriment de la basse (très bonne) et de la batterie. Celle-ci, bien que mal enregistrée (cymbales peu audibles, son creux), aurait pu rendre meilleure l’écoute de l’album : c’est notamment la batterie qui sauve le morceau "Vers Les Honneurs" et donne une ambiance martiale à "Les Enfants Des Limbes" (très bonne utilisation de la caisse claire et la grosse caisse).
On peut notamment reprocher à La Cité des Vents le rythme de ses chansons, parfois irrégulier ("Le Bûcher Des Cathares", "Saint Flor, La Cité des Vents"), et donc déroutantes : les chansons de cet album sont en effet faites pour être construites sur le même schéma rythmique, car les souvent très bonnes introductions font parfois place à un nouveau rythme et une nouvelle mélodie moins bonnes ("Saint Flor" en est le meilleur exemple), et le chant très moyen : Spellbound semble brailler tel une gargouille, tant son chant guttural est entonné sur des tons aigus (ce qui personnellement me dérange) à l'écho désagréable: le résultat en est parfois affreux à entendre ("Le Bûcher Des Cathares", "Plérion"), même s'il est parfois mieux maîtrisé ("Saint Flor", "La Comptine Du Drac"), sa qualité reste bien souvent assez mitigée, même pour du black metal. Petit point positif sur le chant tout de même : les chœurs dans "La Comptine Du Drac" et "Les Enfants Des Limbes", bien résonnant, rendant le morceau plus profond et obscur qu’il ne l’est déjà.
Ceci dit, de manière générale, Aorlhac réussit bien son album, au travers de son ambiance et de sa variété. Eh oui, cet album est varié, car certaines chansons peuvent receler leur lot de surprise : "Saint Flor" et sa superbe intro au violon, "La Comptine Du Drac" et la sienne aux accents heavy metal, "Les Enfants Des Limbes" et sa très longue ballade martiale et cléricale (chœurs résonnant rappelant la messe du dimanche), "Over Bjoergvin Graater Himmerik Part IV" et son chant en anglais… Bref, à l’écoute de La Cité des Vents, vous ne sentirez pas une désagréable sensation de redondance.
Un album agréable à écouter malgré quelques défauts mineurs, que tous les points positifs évoqués vous feront vite oublier. Et même si cet album n’est pas à garder parmi les incontournables du black metal, l’écoute sera loin de vous laisser indifférent.
(Critique écrite sur Spirit Of Metal le 22/01/2015)