Bigflo & Oli, c'est apparemment le dernier phénomène à la mode en rap français, et les deux frères toulousains sont régulièrement présentés comme les sauveurs du rap hexagonal, en plus d'être comparés à Orelsan. Du coup c'est typiquement le genre de projet dans lequel j'avais pas envie de me lancer, et puis l'écoute de Nous Aussi m'a tellement traumatisé que je me suis dit qu'il fallait que j'écoute ça, histoire de vaincre la bête et de tenter d'exorciser les mauvais démons du rap français.
"You are now about to witness the strength of street knowledge" N.W.A
On va démarrer par une première évidence : les deux MC ne sont clairement pas issus du ghetto, et en plus de n'avoir aucun vécu n'ont strictement rien à dire. Forcément, pour un projet de 1h15, ça la fout mal. Du coup ils ont tout simplement décidé de faire comme Orelsan : parler de tout et de rien, de soirées de merde, de leur maman (gros poncif du rap français), de leur relations (inexistantes) avec les femmes... Et le problème c'est qu'on est plus proche d'Aurélien que de Fuzati, et qu'en plus de raconter la médiocrité de leur vie, leur écriture est également terriblement mauvaise : c'est bien simple on enchaine tellement de lieux communs qu'on croirait avoir affaire à un sketch de Kev Adams voire à une vidéo Youtube (nombre de youtubeurs étant d'ailleurs présents dans le clip de Nous Aussi). Au niveau de la technique ça se tape des délires tout seul, tente des double time n'importe quand et de façon complètement hors de propos, pour parfois mieux être off beat sur des trucs tout cons. Quand aux prods elles sont juste terriblement peu marquantes, virent parfois à l'agaçant (on a compris que l'un d'entre vous faisait de la trompette les gars) voire à l'ignoble, atteint avec le drop Skrillex-like de J'attends la vague, en 2015, oui oui.
"Pé-sa en noir avec une faux, je contourne les MC's à la craie blanche" Booba
Mais ce qui aurait pu être pardonnable pour des jeunes rappeurs devient carrément insupportable vu que les deux frères se sont fixés une mission sacrée : sauver le rap français. Rien que ça. Du coup en matière de paroles on dirait plutôt des rappeurs conscients de 40 piges avec une attitude d'ados idiots (pléonasme), notamment sur Nous Aussi (toujours) : "Le rap est dans un sale état", "Les gens réclament nos plumes car y'en a aucune valable / Depuis l'époque d'IAM ou de Michael", le pire étant atteint avec ""C'est marrant, ils vont vite mais on comprend tout" / Merci madame, faudra s'y habituer / Même si, en France, les rappeurs ne savent pas articuler". Typiquement le genre d'attitude moralisatrice juste insupportable, surtout quand on ne propose rien d'extraordinaire pour relever ce fameux niveau si bas. De même sur Nik Ta Mère, on a droit à un couplet sur le thème des vilaines racailles du 92, puis à un couplet sur le fait qu'ils vivent dans un environnement difficile, et que ça pourrait expliquer leur comportement. Honnêtement mon petit cousin de 10 ans doit être capable d'une réflexion et d'une écriture pareille les gars, pas besoin de gâcher une prod pour faire ça.
"S'en battent les couilles de la musique, les gens veulent juste des trucs nouveaux" Fuzati
Ce qui m'amène au plus grave, l'impression d'écouter l'équivalent en rap du dernier morceau d'EDM bien marketé à destination des ados/préados. Parce que Bigflo & Oli sont signés chez Polydor, filiale de la multinationale et succursale des Enfers Universal, elle-même dirigée par l'incarnation du mal : Pascal Nègre. En gros le cahier des charges c'était de plaire à ton frère et à ta grand-mère, il fallait en plus trouver une place quelque part pour Jhon Rachid histoire de le relancer, et tout ça a été fait un vendredi après le repas par deux jeunes diplômés d'écoles de commerce ou de DUT TC. Très franchement Marco me rappelle le dernier court-métrage de la sécurité routière, et l'exploitation de ce fait divers dans Le Bijoutier est digne des plus belles sorties médiatiques de Jean-François Copé.
Bigflo & Oli, loin d'être les sauveurs du rap français (idée ridicule de toute façon) risquent bien plutôt de contribuer à toujours plus le décrédibiliser. Peut-être qu'un jour les gens qui parleront de changer le rap en auront fait avant. En attendant, "que le hip-hop français repose en paix"