Mon histoire avec Orelsan est très complexe et faite de grands moments d’amours et de grands moments d’ignorance totale. Quand est sorti son premier album, Perdu d’avance, j’avais 15 ans et les thématiques abordées me parlaient beaucoup car elles collaient totalement à ma réalité d’adolescent d’alors. Un morceau comme Peur de l’échec demeure à mes yeux l’une des plus magnifiques choses qu’il soit arrivé au rap français, que ce soit en termes d’écriture comme en termes de musicalité. Deux ans plus tard, c’est mitigé que j’achevais l’expérience Le chant des Sirènes , entre le grand génie et le quelconque absolu, mais toujours en considérant qu’il y avait une certaine forme d’avant-garde chez cet artiste qui n’hésitait pas à briser le mur alors trop compact qui séparait le rap de la musique pop.
Puis on s’est perdus de vue avec Aurélien. Lorsque les premières feuilles tombaient des arbres, il est revenu avec un single, Basique, qui n’en a que le nom et me voilà de nouveau emballé par ce personnage si singulier du paysage rap français. J’ai attendu cet album avec une grande impatience, me disant qu’après six années sans projet en solitaire et avec cet avant-gardisme précédemment cité qui le caractérise ce bon vieux Jimmy allait nous pondre un album absolument génial. C’est loupé.
Pour être absolument juste et intègre, je pense que si cet album était sorti il y a 3 ans il aurait été absolument incroyable. Oui mais voilà, en 6 ans, le mur qui séparait rap et musique pop a été littéralement défoncé à coups de pelleteuse. Aujourd’hui rap et variété se mélangent allégrement, même chez nos figures les plus emblématiques (coucou Booba & Christine and the Queens) et cela ne suffit plus à être original et à avoir une proposition artistique alléchante. En 2017, le rap francophone est devenu quelque chose de véritablement monstrueux, l’offre est colossale et diversifiée et la qualité des projets qui sortent, même chez les figures moins notoires est incroyable (cf. Sarah de Hyacinthe qui dans un registre pop-rap s’illustre de bien meilleure manière). C’est un retour qui n’est pas catastrophique mais qui n’est pas flamboyant, c’est bel et bien ce qui me déçoit.
Pour aller plus loin, il y a du très bon dans cet album. Les invités apportent tous leur touche, de Gims qui fait bonne figure sur l’incontournable titre afro-trap de l’album, Christophe, à Rascal et Nekfeu qui dans une symbiose avec leur hôte du jour accouchent probablement du meilleur morceau du projet, Zone. Reste que les productions de Skread n’ont pas évoluées qualitativement depuis 2011 et sont désormais très loin de sonner aussi bien que celles de la crème des producteurs actuels (Ikaz Boi et Myth Syzer en tête). C’est sans aucun doute le talon d’Achille de la galette (mention spéciale à La fête est finie sur ce point).
Pour conclure, je dirais que c’est un long format correct, avec quelques faiblesses et redondances quand on l’écoute en perspective de son aîné (qui est sorti il y a un long moment quand même) mais qui, comparé à la qualité des projets sortis depuis 2 ans, n’est ni complétement nul ni totalement au-dessus. C'est dans la moyenne quoi, mention passable. Il ne faut néanmoins pas oublier de dire que sans aucun doute, la qualité des textes de l'artiste de Caen reste très loin de celle de nombre de ses confrères (Paradis est d'une beauté incroyable).
Cependant, Orelsan avait de l'avance sur le peloton : il est rentré dans le rang. Mais c’est probablement parce que le rap francophone a élevé son niveau, tout simplement.