Après nous avoir entraîné dans les affres d'une société digitalisée où les cœurs battaient au rythme des basses, où le ciel, noir, était pollué par les pixels des hologrammes, dans ce qui constituait l'alter-égo musical du film Blade Runner, Laylow nous prend par la main et nous entraîne dans les profondeurs de son esprit torturé à la rencontre de son alter égo : Mr. Anderson (à noter que c'est également l'alias de Laylow en tant que beatmaker/réalisateur). Impossible de ne pas y voir une référence à Matrix (surtout lorsque l'on connaît l'univers déployé par Jey depuis des années dans ses différents projets).
Toute l'œuvre de Laylow repose sur une dualité (sur ses précédents opus, la dualité était entre le monde réel, tangible et le monde digital, celui des machines "Tu sais que c'est nous les plus bioniques", Maladresse (2018). C'est évidemment encore une fois le cas ici. Mr Anderson est à Laylow ce que Tyler Durden est au Narrateur dans Fight Club : une personnalité qui cohabite avec lui et représente l'idéal que le personnage principal de l'histoire souhaite atteindre.
Mr. Anderson est une allégorie de l'ambition débordante, celle qui pousse à se lever le matin, à sortir de sa torpeur pour aller conquérir le monde. Mr. Anderson est l'exact opposé de la fainéantise, de la paresse et de l'oisiveté dont fait preuve Laylow durant une grande partie de l'histoire.
Tout au long du projet, Laylow nous raconte le combat d'un homme pour son rêve : celui de vivre de passion (la musique) de faire vibrer les cœurs et sauter les foules au rythme de ses morceaux. Mais plus encore, ce projet nous raconte le combat d'un homme contre ses démons, ses mauvaises influences, son entourage, qui le maintient dans une routine nocive et qui le pousse à rester loin de ses objectifs.
Encore une fois, dans la droite lignée de TRINITY, Laylow nous plonge dans un trip psychédélique, halluciné, poisseux, nocturne. Il y a quelque chose dans cet album qui confine à l'Ultraviolence d'Orange Mécanique (S. Kubrick) et qui trouve son point d'orgue dans un morceau magistral, peut-être le meilleur morceau de la discographie de Laylow : LOST FOREST. Un storytelling incroyable qui raconte une soirée qui dérape en fusillade en fin de titre. Le morceau nous entraîne dans ce tourbillon et nous tient en haleine comme le cliffhanger d'une série Netflix.
L'album présente par ailleurs un casting XXL. Tous les invités trouvent leur place dans cet album et apportent leur pierre à l'édifice (c'est assez rare pour le souligner) : Damso en mode "Nwaar" sur le banger R9R-LINE ; Nekfeu qui délivre un couplet magistral sur SPÉCIAL ; les anglophones slowthai (FALLEN ANGELS) et Fousheé (SPÉCIAL) qui nous délivrent des refrains très qualitatifs ; Hamza qui ramène sa science de la mélodie sur les deux parties de WINDOW SHOPPER et enfin Wit. et Alpha Wann qui nous délivrent une performance de haut vol sur le sautillant STUNTMEN.
Pour conclure cette (trop?) longue chronique, vous l'aurez compris à la lecture, l'engouement de l'auteur de ces lignes pour cet album est total. Avis personnel : cet album est probablement un (petit) cran au-dessus de TRINITY. Ce qui impressionne, c'est la qualité des projets proposés par Laylow malgré la régularité et le temps resserré entre chaque sortie depuis 2016 (quasiment un projet par an). Sortir un album aussi abouti un an après l'incroyable TRINITY est en soi un tour de force.
Donnez tout votre amour et toute votre force à cet immense artiste, qu'il puisse enfin matérialiser le rêve qu'il a partagé avec nous durant ces 51 minutes de pur bonheur.