La musique comme vecteur d'émotions.
Bien sûr. C'est vieux comme le monde, et au cinéma, vieux comme le son. Depuis qu'il est possible d'allier image et son, tout le monde y a été de sa petite tentative.


Des instants sublimés, transcendés par la musique, on en a tous connus. Chaque cinéaste a apporté sa pierre à l'édifice, chacun a tenté d'exploiter au mieux cette possibilité.
Aucun pourtant n'a su dépasser cet instant inouï d'un jour de 1942 où pour la première fois, le visage d'Ingrid Bergman et son impérissable beauté ont illuminé une salle obscure accompagnées du plus bel hymne à la mélancolie jamais porté à l'écran.


Depuis lors, on tente, on essaie. Parfois on approche le sublime, on frôle l'immense, que ce soit Ennio Morricone sous le pont brumeux de Brooklyn, ou quelques notes de guitare face à Robert De Niro s'écroulant dans une chambre d'hôtel, que ce soit Haendel accompagnant un cortège funèbre ou Hisaishi accompagnant un voyage en train, que ce soit, même, un gamin qui crève le ciel de son poing porté par les Simple Minds ou un tunnel traversé par Emma Watson au son du Heroes de David Bowie... Mais pourtant, aussi près qu'ils fussent, aucun de ces instants n'atteignit à nouveau cette perfection.


Il aura fallu se réclamer de Casablanca, l'invoquer en filigrane au travers d'affiches, de dialogues, de quelques plans, pour à nouveau s'approcher si près du ciel.
Il aura fallu le regard ahurissant de tendresse d'Emma Stone, accoudée à un piano ou interdite sur le seuil d'un restaurant pour revivre cette symbiose enchanteresse.
Il aura fallu quelques notes de piano d'un thème ancré dans la mélancolie en écho au As Time Goes By du désert Nord-Africain.
Il aura fallu, encore une fois, arrêter le temps l'espace d'un plan dévorant un visage infiniment touchant.


En 2h à Los Angeles, l'envol se fait multiple, les instants de grâce foisonnent. D'abord follement euphoriques, puis se teintant d'une douce mélancolie, pour balayer le spectre des émotions.


Il s'agit de jazz festif, de ce jazz de puriste, entre piano dansant et cuivres hurlants, né au coeur de La Nouvelle Orléans. Un jazz incandescent, irrésistible, faisant éclater les murs dans un élan de bonheur.
Il s'agit d'instants volés au quotidien, d'immenses chorégraphies exaltées par-dessus un serpent d'acier immobile ou autour d'une piscine dans une villa hollywoodienne, d'une vie de rêve dans le faste et la joie de la cité des anges.
Il s'agit d'un numéro de claquettes crépusculaire en jaune et blanc, comme une étincelle sous le ciel bleuté, une rencontre placée sous le signe de l'élégance et de la légèreté.
Il s'agit d'une visite nocturne dans un planetarium, rythmée par les trois temps d'une valse soufflée à l'oreille de deux âmes tourbillonnant sous les étoiles. Deux âmes libérées de l'attraction terrestre le temps de quelques pas au coeur des nuages, hors du monde et du temps.
Il s'agit d'une histoire, d'un cri pour les rêveurs, d'un moment de nostalgie centré sur la Seine. De voir, isolé des hommes, un visage s'époumoner, hurler sa gratitude aux fous, aux rêveurs, poètes, les yeux emplis de larmes.
Il s'agit d'un lien tissé par quelques notes de piano, résonnant d'une jetée désertique à un appartement plongé dans une lueur émeraude. Face au piano, un couple s'imprime sur les rétines, élégant, émouvant, beau.
Il s'agit, enfin, de quelques minutes pour réécrire l'histoire. De repartir de ces quelques notes de piano, écho à travers les âges de Dooley Wilson, de ce visage inoubliable envahissant l'écran, pour refaire le film de ce qui aurait pu être.


Un dernier plan sublime accroche une dernière fois sur nos yeux le visage d'Emma Stone, une image qui viendra clore la galerie ébouriffante de souvenirs plantés à jamais dans mon coeur.
Une danse dans la nuit, un envol majestueux, un sourire accoudée au piano, un regard au Lipton's.
Un regard à Seb.
Un sourire.
Pour lui et pour moi.

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le 4 févr. 2017

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