Le Centre commercial (ou l'histoire d'un meurtrier) par denizor

Une chose est sûre : Bertrand Louis ne passera pas sur TF1. Non pas que les chansons du Français ne puissent pas séduire le plus grand nombre (encore que le niveau devenu abyssal exclut toute chanson juste audible) mais un titre comme 20h00, satire cruelle de "l’info spectacle" - justement mise sur un piédestal par TF1- lui fermera définitivement les portes de la chaîne privée. Tant pis...ou plutôt tant mieux. Depuis son premier album, Bertrand Louis a toujours été fasciné par le monde de la pub et la société de consommation, c’en est presque devenu sa marque de fabrique, celui de dénoncer la vacuité des images créées médiatiquement. Tout Le centre commercial tourne autour de cette problématique. Il y a du Houellebecq, celui d’ « Extension du domaine la lutte », dans cet univers décrit. D’ailleurs Bertrand Louis reprend l’auteur misanthrope sur Hypermarché novembre, sorte de Léo ferré perdu dans le monde tragi-comique d’Ennio Morricone. Au bout du voyage, il y a une fin encore plus terrible suggérée par le sous-titre l’Histoire d’un meurtrier.
Du centre commercial aux meurtres de masse, il n’y a qu’un pas, comme le suggère d’ailleurs le morceau-titre à la mélodie entêtante. L’ambiance est sombre et les meilleurs morceaux entretiennent des climats troubles et en même temps séducteurs, comme dans des films de Série Noire (Scène de crime, Fin septembre début octobre). Bertrand Louis apporte toujours un soin à ses textes mais aussi à sa musique, utilisant un piano préparée, drapant sa musique d’étoffes légères électroniques et trouvant en Geoffrey Burton (musicien pour Arno) le guitariste acide idéal pour déverser son fiel. A l’instar de Marc Gauvin, il est aussi ouvert sur des rythmiques venues d’ailleurs : un soupçon de tango (une musique de fièvre et de sang) sur les yeux secs, un petit côté rock’n roll à la Soft Cell sur la putain du publicitaire. Bertrand Louis est cynique appelant son morceau le plus faible car le plus bateau le degré zéro de mon écriture. Le travers n’hypothèque ses chances de nous séduire. On n’est pas à l’abri d’un succès clame-t-il ? Peut-être…Sans TF1 mais avec nous, la majorité silencieuse.

denizor
7
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le 18 avr. 2018

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