Crew créé en 1990 par l'innocent petit Kery James, ce dernier ainsi que ses confrères se sont inspirés pour leur nom du groupe de celui de leur aînés, qui s'appelait pour le coup «Ideal». Alors âgés majoritairement de 13ans, les petits gars ont décidés d'ajouter le mot Junior, dont on ne retiendra que la première lettre. C'est ainsi que naquit Ideal J.
Après un premier album fort sympathique et surtout surprenant pour l'âge des différents intervenants, Kery James et ses potes reviennent deux ans plus tard, alors âgés de 21 ans, pour un album qui marquera toute une génération : Le combat continue.
À mi-chemin entre hardcore et conscient, Ideal J propose des titres forts, et même si la façon d'aborder les sujets paraît lourde, certains morceaux se détachent du lot pour des thèmes précis qui permettent à l'album de s'aérer de cette atmosphère un tantinet pesante. En effet, on entend que Kery James, il éclipse presque totalement les autres, du coup on a droit à des constats amères sur la société d'un point de vue d'immigré, et bien que ce soit parfaitement louable, ça devient légèrement gavant. C'est la misère partout, les prisonniers, la rue, le racisme et tout le tralala : par dessus la casquette.
Heureusement il y a des morceaux plus originaux comme le virulent Pour une poignée de dollars, où on se met à la place d'un braqueur. Ou Hardcore, qui bien qu'il se contente que de simples répétitions parfois inutiles, ou dérisoirement choquantes ("Hardcore, lorsqu’une fillette de 8 ans disparaît, Hardcore, et qu’on la retrouve violée, sodomisée"), le son se démarque par la puissance donnée par Kery James. Mais si il y a bien un morceau qui se démarque, c'est Nuage de Fumée. Kery donne une leçon sur la fumette et l'alcool osée, mais surtout un intelligent constat qui allège la chanson d'un côté pompeux redouté mais absent.
On nous a vu spliff à la bouche dans la té-ci
Déambuler dans les rues, sans même faire gaffe aux plus petits
Faut pas que tu te trompes, on nous a également montré l'exemple
On aurait pu penser que ça nous aurait servi d'exemple
Mais incapables à ce jour d'assumer nos responsabilités
On préfère leur dire "j'vais te niquer si j'te vois fumer"
Comme si ça nous avait empêchés de le faire
Regarde comme tu t'affaires sur les traces de Lucifer
Car, comme tout le monde, t'as pensé pouvoir gérer
Maintenant, t'allumes un spliff avant même d'avoir déjeuné
Cependant, il faut avouer que mis à part ces quelques morceaux, ce fameux combat devient vite redondant et la place qu'occupe Kery James devient vite étouffante à cause de son rap qui lui est propre. Si le fond de ces textes est souvent très bon, le guadeloupéen cherche avant tout de le mettre en forme avec une musicalité qui empêche un réel développement, et un flow… particulier. Le mélange des deux fait qu'il appuie sans cesse ses rimes, comme si c'était incroyable, alors que parfois c'est juste des phases en vrac qui créent un malaise tellement que le flow va pas avec. Puis ces rimes faciles accentués sans arrêt, c'est lourd :
Ce négro est trop stylé, dis-moi qui il est ?
Où est-ce que j'peux l'trouver ? Sois pas vexé
Rimes dressées bande de stressés
Adressées à la concurrence que je m'en vais dresser
Oppresser, qu'ils sachent que même sous l'effet de la Sensei
Affronter Kery au MIC il faut renoncer
Joue sur mon tableau, idiot ça va cadencer
Pour m'avoir tenté d'hausser l'niveau j'vais t'licencier
Du RAP j'pourrais t'forcer à divorcer
Embarrassé tout d'même de t'avoir autant distancé
Le combat continuera longtemps pour son membre principal, encore actif aujourd'hui, avec cet album qui restera a tout jamais dans les mémoires. Et bien qu'il soit imparfait, il n'en demeure pas moins une petite référence qui marquera l'envol de Kery James, et qui montre que ce fameux combat naïf est évidemment toujours d'actualité et que ce constat livré sera toujours présent pendant un bon moment.