J'aimerais déjà revenir sur les quelques "controverses" ridicules qui parsèment le grand projet le Manifeste (même si les vrais admirateurs de Saez en ont rien à foutre). Déjà, le prix du Voyage, ses 60 euros. Je parle en étant quelqu'un qui n'a pas, comme beaucoup d'autres, les moyens de s'offrir un tel saut, même en sachant à l'avance ce qui l'attend. Mais pourquoi, en France ou ailleurs, un artiste indépendant doit-il vivre dans la boue et la misère totale jusqu'à crever de faim sous prétexte qu'il se revendique résistant et indépendant ? Saez fait (presque) tout, tout seul, et il n'est pas immortel, il a besoin d'un peu de sous pour vivre, point. 60 euros, c'est le prix d'un seul concert normal, il offre beaucoup plus à ce prix. Ensuite, la publication gratuite des chansons "les gamins du monde", et "les enfants paradis". Euh... vous n'avez pas honte ? Deux chansons centrées sur deux attentats à la gravité conséquente, Saez les rend publiques pour une question d'hommage, et vous, vous crachez dessus parce que c'est deux titres sur sept chansons ? Déjà, c'est tout à son honneur de vouloir partager les intentions les plus importantes du disque, c'est une question de mémoire. Ensuite, aucune des 7 chansons ne dure que 3 minutes, et puis même on parle là d'un mec qui a produit deux triples albums de 2 h 30 chacun et d'un double album de 2 h 20, il a pas droit à faire juste un disque d'une heure (en comptant le Prélude) ? Il livre ses chansons, vous voulez qu'il livre une bande-annonce de son prochain album, aussi ? Vous êtes des jamais-contents, rien d'autre. Enfin, l'épisode Amazon, et puis "Peuple Manifestant". Effectivement, je trouve ça dégueulasse de faire ça à un artiste. Il a eu raison, selon moi, de se mettre en colère, et même d'utiliser les termes les plus violents, parce que c'est clair que moi aussi je l'aurai eu très mauvaise. Après, aller jusqu'à envisager d'annuler la sortie d'un disque et d'une tournée ?... Ça me fait penser au prof qui fait une punition collective dans une classe où la plupart sont innocents. Lui il dit que ses Manifestants, ceux qui ont payés, sont innocents; je suis persuadé du contraire, ceux qui ont déboursé pour lui sont au contraire les plus fanatiques et ils n'ont certainement pas résisté, eux non plus, à la tentation de l'écoute des 30 secondes. Toujours est-il que tout ça a rendu un titre d'enfer, disponible sur culture-contre-culture. Un coup de gueule magistral, qui remet bien les choses en place. Place au(x) disque(s) !
Comme chaque disque de Damien, il a sa propre personalité. C'est un album acoustique, sa propre musicalité, alternant entre le piano, la guitare accompagnée de percussions et enfin la guitare sèche. Rien d'autre. Comme sur aucun autre dans sa discographie (à part peut-être "Varsovie" sur son triple album), il met les textes en valeur, et se soucie moins de la musique. L'intention de transmission, d hymne à la culture et à la résistance, et enfin son appel indéfectible en la fraternité (le mot "frère", comme le mot "Terre", reviennent sur chaque titre !) sont évidents. "L'oiseau liberté" s'ouvre sur "Mon pays je t'écris", qui est ni plus ni moins la version longue des "Enfants Paradis". Il parvient à faire revenir dans la tête les images blessées du 13 Novembre. L'incrustation finale des "Enfants Paradis" est même magnifique, comme un propre clin d' œil. Mais il demeure que la chanson est un peu trop longue, et le texte, même si il est beau, est facile à décrocher (une de ses idées récurrentes consiste à dire que le peuple ne lit plus; je trouve ça complètement faux, certes on lit beaucoup moins, mais il y a et y auras toujours des lecteurs pour faire des best-sellers !). Ce qui n’est pas le cas de la suivante, "l'humaniste", qui semble résumer toute sa philosophie. La musique est très simple mais elle est charmante, et là les paroles me convaincs complètement. Un vers est déjà culte sur la "Saezosphère" : Il n'est rien de plus beau qu'aimer l'autre bien plus qu'on s'aime soi !. "L'oiseau liberté" est un chef d’œuvre. Malgré que les idées soient toujours les mêmes et adaptés de la même manière (habitude chez Saez, quand il se tient à un thème, il y reste !), elle a un truc qui fait toujours qu'elle se renouvelle, ce qui est impressionnant. Damien innove un doublé vocal qui fout vraiment les frissons, les partitions des guitaristes sont magnifiques, et la fin, entre les murmures du chanteur et la flûte rêveuse comme un songe sur une plaine déserte... "Les enfants Lune" est cependant ma préférée. C'est la seule où la musique a autant d'importance que les paroles, qui sont impeccables ! En utilisant les figures de Pierrot et Colombine, il romantise comme jamais. Une chanson importante, selon moi. "Tous les gamins du monde", sur les attentats de Charlie Hebdo, est répétitive dans sa composition, et toujours simplifiée, mais elle reste captivante (le doublé vocal, encore, n'y est pas étranger). "Les enfants Paradis" par contre ne m'accroche pas du tout. On a accusé Saez de patriotisme, et il suffit d'écouter attentivement "Mon pays je t'écris" pour savoir que lorsqu'il parle d'aimer les Français, il pourrait tout aussi bien parler de Portugais. Mais cette chanson, dédiée au Bataclan (le bâtiment a eu plus de chansons dédiés; normal, il y a joué, ça lui a davantage parlé j'imagine...), est à la limite du niais. Elle ne m'a pas émeu du tout. "Le dernier disque" (ce qui ne seras certainement pas le cas, à mon avis) est de nouveau victime de son manque de punch musical. Mais de nouveau le texte, complètement autobiographique, vaut le détour. Avec un clin d’œil sympa à Noir Désir, où Damien ose "défier" Bertrand Cantat à propos d'une expression ! Le disque se termine. On se sent plus humain et plus aimant après l'avoir écouté, je trouve. Et même si c'est clairement pas le disque que tu mets en voiture, il reste un grand moment de solidarité fantôme. Le deuxième disque, d'un petit quart d'heure, m'épate: en trois titres, il réussit à atteindre le niveau de qualité que le "vrai" album ! Si j'ai pas accroché à "c'est la guerre" (musique simple à outrance, remâche toutes ses idées sans images inédites... de la redite totale), j'ai adoré "mon terroriste". A la fois chanson contre l'amalgame (chose rare) et contre tous ses ennemis (chose beaucoup moins rare !), avec en prime un appel discret à la Révolution vers la fin, en plus d'une musique d'enfer et d'une reprise de la mélodie à la guitare électrique... Byzance ! Il conclut sur "Je suis", qui est exactement du même tonneau. Ce Prélude annonce vraiment du lourd, du très très lourd, pour la suite de ses aventures au Manifeste !
Personnellement, je trouve qu'il n'a pas raté son retour. Il aurait pu faire mieux, mais il a réussit tout de même à m'apprendre de nouveaux sentiments solidaires. C' est pas rien ! Allez, envolons-nous, avec l'oiseau liberté...