6/10
L'excitation, la nervosité...les petits tremblements d'impatience n'étaient pas très loin quand j'apprends que Le Monde Chico, la nouvelle livraison de PNL, m'était laissé à disposition deux jours avant sa sortie officielle. Le temps de me procurer la dose, plein d'attentes pour ce qui est devenu au fil des mois l'album de rap français le plus attendu de l'année. Je lance l'écoute. Quelques secondes de PNL me suffisent pour être déjà perché, complétement détendu, j'ai beau l'avoir déjà écouté des dizaines et des dizaines de fois, l'instru brumeuse de Le Monde ou Rien me procure toujours le même effet. "OUAIS OUAIS OUAIS OUAIS OUAIS" songe Ademo. Moi ça me convient.
Buzz couvé par internet depuis le début de l'année 2015, la déflagration PNL a pris une tout autre ampleur ces derniers mois pour aboutir sur cet album, le second de l'année après Que La Famille en mars, projet très loin d'être abouti mais déjà annonciateur de grandes choses. Des grandes choses qui se nomment Le Monde ou Rien, Dans Ta Rue, Oh Lala, PTQS ou encore J'suis PNL. Le teasing de l'album fut un sans faute. Chaque extrait nous confirmant que le duo avait trouvé LA bonne recette, celle qui te retourne le cerveau avant que tu t'en aperçoives et sans trop savoir pourquoi.
Des beats planants à mi-chemins entre le cloud et la trap, une autotune parfaitement dosée qui sert la mélodie, ainsi qu'une science du refrain et l'omniprésence de gimmicks percutants digne des têtes d'affiches actuelles aux USA. Comme si à la place de Goku et Vegeta, pour reprendre une thématique chère au groupe, Ademo et N.O.S avaient fusionner avec une entité plus ou moins semblable à Young Thug. Mais la comparaison s'arrête à quelques petits détails technique, on est très loin d'avoir affaire à des clones du rappeur d'Atlanta.
Non PNL c'est plus "la bicrave mélancolique" pour reprendre une expression parfaitement approprié pour qualifier la musique du groupe. Comme chez beaucoup de rappeurs français, oui ça parle souvent de deal. Mais l'approche est différente. Ici pas question de s'exhiber, de jouer au faux bandit et de se comparer sans cesse à la concurrence en placant le mot "rap game" toutes les deux minutes. L'angle adopté est différent, le duo oscille entre remords, questionnements, misère sociale et affective, les valeurs familiales et la volonté de s'en sortir pour "emmener la misère en balade" (chose qu'ils ont déjà commencés à faire à travers les clips, toujours soignés au passage).
Les intonations sont également un élément déterminant dans la recette de PNL, à tel point que, souvent, trois petits mots pourtant assez simples d'apparence vont procurer plus d'effets qu'un couplet entier chez d'autres rappeurs ("Et j'suis la pomme pourrie qui s'écarte du panier" / "Le temps qui passe me chuchote "Ma biche, c'est ta faute" / "Ok, j'ai compris, on s'en sort pas comme ça"). Tellement simple mais bien souvent percutant sortis de la bouche de l'un des deux rappeurs. PNL réinvente une nouvelle fonction à la punchline. L'écriture n'est pas poussée, parfois bâclée chez Ademo, tout est brut, à la surface chez PNL mais il s'en ressent néanmoins une profondeur assez troublante. Bien loin des considérations d'une partie du public qui ne leur décèle du potentiel que dans les instrus, comme si un morceau comme Dans Ta Rue, probablement le meilleur de l'album, ne suffisait pas à révoquer cet argument à tout jamais.
Musicalement le groupe a encore évolué par rapport au précédent projet. En plus de cette faculté à faire planer, de la nouveauté : les sirènes discrétes et sous-mixé des synthés sur Dans Ta Rue, les notes de piano à la Zaytoven qui viennent surplomber le beat vaporeux sur Oh Lala, l'ambiance exotique du très bon Mexico, qui fait partie des meilleurs morceaux non dévoilés avant l'album au même titre que Sur Paname, Porte de Mesrine et son sample jazzy, mais aussi Laisse, Tempête ou Dans la Soucoupe.
Avec cet album on peut donc dire que l'essai est transformé pour PNL, toute la hype des mois derniers se justifie, même si on est en droit d'être un peu déçu de ne pas avoir eu 17 morceaux aussi incroyables que les extraits déjà connus. "J'vends" et surtout "Que la mif" semble être des morceaux en dessous du reste, le second souffrant notamment de ses featurings, une chose dont PNL n'a pour moi pas du tout besoin, les deux rappeurs se complétant déjà l'un l'autre et ayant un univers dans lequel il doit être difficile pour les autres rappeurs de s'immiscer. On pourrait aussi constater que la seconde partie est nettement moins bonne que la première, qu'il reste des traces d'amateurismes dans certains choix musicaux, qu'Ademo aurait pu faire plus d'effort sur certains couplets. Mais la sensation dominante reste celle d'un vent d'air frais assez inattendu sur le rap français, une sensation qui me pousse à croire que ne pas acheter l'album à sa sortie serait une forme de malhonnêteté envers le groupe et envers moi même. Peace'N'Lovés.