Le Monde Chico
6.1
Le Monde Chico

Album de PNL (2015)

PNL ou la renaissance du rap Français

Le 30 octobre dernier 2015, le monde, ou du moins la France, est devenu Chico. Les frangins de Corbeil-Essonnes, Ademo et N.O.S, nous ont rapporté de Namek leur galette de 17 titres et le moins que l’on puisse dire c’est qu’elle a fait couler beaucoup d’encre : sur les réseaux sociaux, sur les blogs, les webzines et même dans les rédactions des presses nationales (Le Monde, Libération, Le Nouvel Obs, leur ont consacré des dossiers présentés presque comme des thèses…rien que ça).
Cette effervescence est proportionnelle à la sérénité avec laquelle le duo a concocté son album, comme s’ils s’étaient littéralement coupés du monde pour le travailler, sans se préoccuper de ce qui a pu se dire ni de l’attente grandissante clips après clips de la part d’un public enthousiaste ou totalement réfractaire. PNL s’est totalement démarqué, sur bien des points, des méthodes classiques employées par la quasi-totalité du microcosme Rap Français. Et c’est sans doute en cela qu’ils divisent avec tant de ferveur dans un camp comme dans l’autre.
Nous allons tenter de voir ensemble, en quoi PNL a renforcé la scission entre ceux que l’on appelle les “puristes” et ceux qui prônent l’évolution du rap et démontrer que scander “le rap c’était mieux avant” et “PNL c’est de la Merde” n’a pas de sens. Enfin nous verrons en quoi PNL s’est isolé dans son propre genre musical de façon inédite.
Analyse à chaud !


“Le Rap c’était Mieux avant”


Dans le début des années 2000 le monde du Rap a du accuser le coup : l’age d’or est révolu, ça y est, tous les meilleurs albums sont d’ores et déjà sortis, le point de non-retour est atteint, plus jamais on ne fera mieux, et pour cause, Les années 90 ont fait naître “l’Ecole du micro d’argent”, “Mauvais Œil”, “Quelque goutes suffisent”, “Opera Puccino” et autre “Première Consultation”… quel programme… mais de quoi sera fait le Rap après ces pépites, qui en plus, comme le bon vin, vieillissent très bien ? La question est d’autant plus légitime que le rap français, à quelque exceptions près (comme la Caution ou TTC pour ne citer qu’eux) aura du mal à se renouveler, à proposer quelque chose de créatif, d’inédit, les nouveaux groupes fleurissent et se ressemblent… Non pas qu’ils soient mauvais, loin de là, mais le sentiment de stagnation persiste, on bouge la tête, on ne frissonne presque plus, l’originalité, l’innovation et la musicalité ne sont plus les objectifs premiers, ceux-ci étant replacés par l’exposition à tout prix et à la guerre des égos.
La question est sur toutes les lèvres : Le rap est-il mort ? Puis vire à l’affirmation :le rap est mort ! Nombreux seront les prétendant à sa résurrection, certains y verront un questionnement philosophique presque Nietzschéen où le rap deviendrait Dieu… “Doucement, doucement” rappais Don Choa en 2002 ! Néanmoins le rap continue de vendre et de faire vendre, plus que jamais même, l’heure est donc à la résignation : Non le rap n’est pas mort…mais il était mieux avant ! Certes, mais pour toujours ?


“Le changement c’est maintenant”


Le “C’était mieux avant” a créé un phénomène assez étrange dans le monde du Rap, il a montré les limites d’une culture qui se prétend anticonformiste et rebelle face à une société oppressive et codée, il devient étriqué et se renferme de plus en plus sur lui-même… oui en résumé le mouvement Hip-Hop, le monde du rap en particulier, compte bon nombre de réactionnaires parmi ses adeptes…assez paradoxal.
Puis ça s’est passé un peu comme au sein d’une famille, quand les parents tiennent certains propos à table, les enfants les prennent pour argent comptant, du coup une nouvelle génération de rappeurs nés dans les 90’s se met à rapper sur des prods Boom-Bap en empruntant des flows “Djigidichek” et en ne jurant (à raison) que par Mc Solaar. Phénomène aussi étonnant que plaisant (il faut l’avouer) dans certain cas, ça ne fait pas pour autant avancer la machine d’un point de vue créatif, un délire daté reste un délire daté.
Il manque quelque chose dans ce panorama. Là ou certains se contentent du menu proposé, d’autres s’impatientent, d'autant que lorsque l'on jette une oreille outre-Atlantique, la mutation musicale s'est déjà enclenchée à l'image de la carrière d'un Kanye West. La France étant encore trop frileuse à l'idée d'envisager une prise de risque musicale.2015, les crises, économiques et identitaires, battent leur plein… il est temps que le rap retrouve son rôle et sa liberté initiale et cristallise enfin tout ce bordel ambiant.
François Hollande, le président français promettait un changement imminent, s’il n’a vraisemblablement pas eu lieu en politique, il a eu lieu dans le rap et il s’appelle : PNL.


“PNL C’est de la merde”


Détendez-vous, rangez les fourches, je vous explique. Si PNL a su générer en un temps record une fan base impressionnante, ils ont réussi à exciter, comme jamais auparavant, les “réacs” du rap.
Oui, vous me direz Booba, Kaaris, Jul l’ont bien fait avant, et pourtant ce n’est pas comparable. Booba est un cas à part, il symbolise à lui seul la déception des amateurs de rap de la première heure, ne lui pardonnant que par intermittence ses excès (fustigé sur ses morceaux auto-tunés, adulé sur un retour en force comme “Temps Mort 2.0”…allez comprendre vous). Quand à Kaaris et Jul ils sont pointés du doigt comme des faiseurs de “Rap Golmon”, ils sont constamment dans l’excès lyrical assumé donc clairement boudé, méprisés voir moqués avec légèreté par les “puristes”…
Et PNL alors ? On aurait tendance à les ranger dans la case Booba mais sans l’expérience. Mais pourquoi diable les détracteurs de PNL ne passent-ils pas tout simplement leur chemin ou ne se contentent pas juste d’un “Je n’aime pas” ? PNL provoque des réactions aussi fleuries que leurt-shirts : “J’ai écouté, j’ai vomi”, “C’est de La merde” etc.
C’est que les deux membres du groupe ont réussi a semer la zizanie, ils ont explosé les codes bien établis : Le choix de l’indépendance totale à l’heure ou les autres rappeurs rampent aux pieds des maisons de disques, leur façon de cultiver le mystère autour d’eux en accordant aucune interview pendant que les autres vendraient père et mère pour un peu d’exposition sur Skyrock ou chez Ruquier. La mise en valeur de leur proches alors que le rappeur lambda sombre dans un égoïsme presque abyssal et le tout avec une sincérité plus palpable que jamais.Leurs textes ? Ça parle de deal, de quartier, de spleen, d’espoir et de famille (celle du quartier) jusque-là rien de neuf sous le soleil, mais dans la forme les mots sont simples, percutants, crus et efficaces, les degrés de lecture y sont nombreux, le champ lexical est à chaque fois le même mais décliné intelligemment grâce à un maniement rhétorique bien plus riche qu’il n’y parait.Alors que la rime parfaite et la multi-syllabique sont légion, on n’accorde que peu de crédit aux textes qui n’en comportent pas, c’est assez paradoxal compte tenu que la multi-syllabique était totalement inexistante dans les années 90. Ah et puis on trouve choquant leurs propos, ils sont vulgaires et font l’apologie de la vente de drogue, argument souvent repris et assez faible si on écoute parfaitement les morceaux. La vente y est souvent présentée comme un mal nécessaire, (“surtout croyez pas qu'j'kiffe, des remords quand j'suis à table…”) une routine lassante qui n’a pour finalité que celle de mettre “que la famille” a l’abris, rien qui puisse donner envie à quiconque de suivre le même chemin donc. Et puis qui a dit que le rôle des rappeurs était d’éduquer leurs auditeurs ?
Et leur musique dans tout ça ? Il est indéniable que PNL divise aussi et surtout à ce sujet-là. Pourquoi ? L’auto-tune encore une fois mis en cause à la barre du tribunal du bon goût, et pourtant l’auto-tune (bien mal utilise par Booba à mon avis) est ici réellement envisagé et utilisé comme un instrument, dans le but de créer une réelle harmonie musicale avec les productions planantes et minimalistes.Et ça fonctionne ! Le succès de PNL est incontestablement dû à l’addiction provoquée par la justesse musicale de ses morceaux !Donc en résumé, il est reproché à PNL d’amener de la musicalité, de l’anticonformisme et de la simplicité dans le rap. Assez paradoxal pour qui se dit nostalgique du temps d’avant, compte tenu du fait que ce sont là à peu près tout ce qui faisait la force du rap pendant ses beaux jours.Qu’importe au final, PNL, fait de la musique, et la musique ça s’apprécie ou pas, mais en aucun cas la notion de vérité n’est envisageable à ce sujet même pas un véhément “c’est de la merde”.“Si t’aime pas t’écoute pas et puis c’est tout”.


La punchline deviendra adage.

RomainGarcin
8
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le 6 oct. 2016

Critique lue 467 fois

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Romain Garcin

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