Led Zeppelin
8.2
Led Zeppelin

Album de Led Zeppelin (1969)

Led Zeppelin I, ou l'album qui a popularisé le hard-rock et l'a propulsé au grand public. Rappelez vous Janvier 1969 (moi je suis trop jeune pour m'en rappeler). Aux States, la protestation anti-Vietnam devient massive et la jeunesse se sent peu à peu happée dans le tourbillon planant des hippies. En août, les Who, Creedence, Hendrix et tous les autres de la Scène psyché allaient se réunir dans la Masse grouillante et Peace and Love de Woodstock. Que ce soit aux Etats-Unis, au Royaume Uni, ou même en France, avec Mai 68, la Jeunesse gronde et recherche son idéal de liberté contre « cette société de consommation capitaliste-han »


Il faut dire que, dans le contexte musical non plus, ça chôme pas: les Beatles commençaient déjà à battre de l'aile, en prouve l'échec du Magical Mystery Tour au cinéma, et l'Album Blanc montre déjà les dissensions musicales du groupe. On sait déjà en interne que les tensions s'exacerbaient entre les membres, tensions causées notamment par notre chère Yoko. Les quelques bruits de couloir des spécialistes du rock à la fin 1968 songent déjà (si seulement ils avaient tort) à l'après des Fab Four, se mettant à lorgner d'autres groupes comme les Rolling Stones ou les Who.
Oui, c'est bien beau, tout ça, mais seulement, qui pourrait devenir l'héritier légal d'un legs aussi important que celui de ces quatre monstres de créativité, qui se sont aventurés dans la Pop jusqu'aux prémices de ce qu'on pourrait appeler du pré-métal ? Pas de réponse. Du moins, pas jusqu'à un semblant de réponse en Janvier 1969.


Je dis bien un semblant, parce que Led Zeppelin I n'est pas un chef d’œuvre à la Sgt Peppers. Contrairement aux airs pop des chansons Lennon/McCartney, Led Zeppelin forge sa future légende dans un son qui n'a rien de raffiné; c'est du concentré de rock pur et dur,forgé avec la matière première du blues, ce qui va former le Hard Rock tel qu'on le connaît.
Mais ce n'est pas encore du Hard Rock aux accents punk comme allait le faire AC/DC fin 70. Derrière le côté bourrin, priment des capacités techniques exceptionnelles. John Bonham, Jimmy Page, John Paul Jones et Robert Plant étaient talentueux avaient déjà bien des années de bouteille derrière eux. Jimmy Page était, dès 1963, un des guitaristes studio les plus recherchés d'Albion, et jusqu'en France en jouant pour La poupée qui dit non de Polnareff et certains titres de notre Johnny national. Même chose pour John Paul Jones, qui n'est pas qu'un bassiste, mais aussi un multi-instrumentiste de génie. Quant à John Bonham et Robert Plant, même s'ils sont encore des bouseux du Pays Noir de Birmingham à la fin 1968, ils ont déjà un ancrage bien profond, dans le blues pour Percy (surnom de Plant) et dans la rythmique jazz pour John. Le résultat de cette alliance mène au premier album de leur épopée de douze ans à travers le Rock.
Mais je m'égare. Revenons à l'album en lui-même.


Premier Titre de l'album, Good Times Bad Times donne le ton. Mettez vos ceintures, voilà un nouveau groupe qui accoste : voilà ce qu'on y entend en sous-texte. C'est ce genre nouveau et ce son particulier si cher au groupe qui prime dans cette chanson d'introduction. D'ailleurs, le premier contact entre le public et le jeu de Bonham se trouve ici:Les triplettes ,encore rarement utilisées en batterie dans le rock , lui donnent un côté bête de scène (À ce que j'en ai entendu, les auditeurs moyens de l'époque pensaient que c'était deux batteurs différents qui jouaient, c'est dire). Long de 2 Minutes 50, ce titre donne déjà une idée précise du rôle qu'allait jouer Led Zeppelin.


Suivant ce petit bijou, Babe I'm Gonna Leave You me laisse malgré tout un petit côté amer, parce qu'il est le premier d'une petite liste de titres que Page n'a pas crédité à son auteur original, en l’occurrence Anne Bredon. Au delà de ce petit hic, encore un petit défaut à ce titre: il est un peu trop long à mon goût. Oui, c'est vrai, la guitare sèche aux accents de flamenco est puissante, les cris de Plant me déchirent le cœur à chaque fois, mais passé les trois premières minutes, la chanson ne varie pas particulièrement. Même si j'adore ce titre, il semble objectivement moins inspiré que d'autres titres qu'on aura l'habitude d'entendre du Dirigeable.


Puis, vient You Shook Me. Titre original de Willie Dixon,(un peu trop ?) ressemblant au You Shook Me de Jeff Beck, ce titre montre un blues extrêmement bien maîtrisé. Performances vocales au max, guitare puissante, batterie claire, basse qui fait son boulot, rien à dire sur ce titre. Mais c'est généralement le titre sur lequel je fais une overdose le plus facilement à force de l'écouter. Probablement à cause des cris suraigus de Plant qu'il faut savoir consommer avec modération.


Puis vient le grand, le célèbre, que dis-je ! Le fantasmagorique Dazed and Confused . Rarement on a aussi loin poussé les frontières du Rock. Sunshine of your Love de Cream s'invitait déjà dans le genre heavy-rock, mais Dazed and Confused va plus loin encore .Il est ,pour tout dire, l'un des premiers titres que l'on peut vraiment homologuer dans le Heavy Metal. « Inspirée » d'une chanson de Jack Holmes, Jimmy y rajoute une partie en Violin Bow (ou l'art de jouer une guitare avec un archet de violon), qui donne un petit côté creepy au milieu de la chanson . Ajoutez à ce mélange un Robert Plant gueulant sa plainte bluesy et une batterie du tonnerre, et vous avez un bon cocktail de Heavy et de Psychédélique.


On a éculé la première face de l'album, maintenant c'est à l'autre côté qu'on va s'attaquer. Il n'est cependant pas aussi bon, même si Your Time is Gonna Come est un titre bien sympa qui se laisse écouter. C'est un titre sans prétention, qui mise sur l'acoustique et qui va prouver que Led Zep ne fait pas que de l'électrique. Le groupe peut aussi entrer dans des phases plus calmes (en prouvera le troisième album), et ce titre le prouve bien. Enfin, l'orgue en intro signée John Paul Jones donnerait presque au titre un côté «messe du dimanche». Mais un titre qui laisse en général sur sa faim.


Suivant de suite après, Black Mountain Side prouve non seulement que Jimmy est un guitariste de talent et qu'il fait appel à des rythmes indiens, en prouve l'utilisation des tabla pour les percussions. Mais ça prouve aussi qu'il joue bien mieux la plupart de ses titres en live. Son interprétation au Royal Albert Hall de 1970 dure 12 Minutes chrono et je m'en lasse jamais. Écoutez cette version, vous comprendrez.


Après la simili-ballade indienne, les premières notes de Communication Breakdown annoncent le retour d'un bon rock bien puissant comme on l'aime, qui va former le squelette du Hard Rock zeppelinien. Riff mémorable, chanson courte au tempo rapide, Robert Plant qui fait génialement acte de présence … Rien à dire, Communication Breakdown a une sorte de force tellement rageuse que je pense qu'il a eu une influence sur le Punk, qui allait sortir de l’œuf quelques années plus tard.


I Cant Quit You Babe est un titre original d'Otis Rush. Mais, comme avec beaucoup d'autres chansons de blues, le groupe l'a transformé sans lui enlever son squelette, sa moelle épinière. C'est comme ça que le titre dépasse l'original : tout en gardant le Blues si cher aux membres du groupe, ils y ont rajouté une férocité qui leur est propre. Et ces soli de Page … Brillant.


Enfin, How Many More Times semble être un résumé de tout ce que l'album nous a offert. Batterie multipliant les prouesses ? Check. Guitare omniprésente ? Check. Acrobaties vocales ? Check. Rythmique assurée du feu de Dieu ? Avec une parodie du Boléro de Ravel avant l'interlude, Page enchaîne ensuite avec Violin Bow et soli en cascade. Si la légende est vraie et que les fans de Led Zepp on bel et bien inventé le Headbang cher à nos métalleux, c'est sûrement sur ce riff qu'ils ont bougé le plus férocement la tête . Ce qu'on entend là, c'est 8 Minutes d'un genre musical qui se découvre lui-même


Tout seul, sans prendre le contexte en compte, je mettrais honnêtement 8 à cet album, mais ce serait oublier toutes les circonstances atténuantes. C'est le premier du groupe, il devait chercher des repères ; il les a trouvé dans le blues dont il s'est largement inspiré, et pourtant, tout en revendiquant cette influence, le groupe s'émancipe du genre en créant un son tout nouveau ; C'est assez rare de trouver un groupe aussi « clivant » dès le premier album, alors que les débuts des autres monstres du rock se sont montré plus consensuels. Essayez d'imaginer le jeune américain de 19 ans qui se décide d'acheter le premier album d'un groupe alors inconnu, croyant avoir affaire à un simple groupe de blues ou de rock classique, et qui depuis sa chambre ,découvre une palette de sons et de couleurs encore inexplorée (tout en entendant ses aînés lui gueuler de mettre ce bruit en veilleuse). Autre prouesse, l'album a été enregistré, « overdubbé », produit et achevé en 36 Heures, ce qui est assez incroyable, surtout pour une telle qualité du son.


Sincèrement, ce n'est pas le meilleur album du zeppelin. Loin de là, même : Le quatrième album et Houses of the Holy vont nous proposer des chefs d’œuvre plus surprenants encore. Mais le premier album est celui qui a installé le groupe devant le grand public . Si la presse, surtout la presse américaine, n'a pas arrêté de vomir sur l'album, les ventes, elles, l'ont vite fait devenir un opus culte du hard-rock.
Si les Beatles avaient continué leur carrière dans les années 70, ils auraient sûrement été un groupe de Hard Rock. Voilà ce qui explique le succès de Led Zeppelin : ils ont continué musicalement le trajet que les Beatles prenaient avant de se séparer. Le public était prêt à écouter quelque chose de nouveau. Et il allait être prêt à entendre parler de Led Zeppelin pendant encore bien des années.

Critique_du_dimanche
9

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Créée

le 9 sept. 2018

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