Led Zeppelin ne voit pas le temps passer !
Deux albums sortis en 1969, des tournées en veux-tu en voilà, le succès, les groupies, les fêtes... et la vie de famille aussi (seul Jimmy Page n'a pas d'enfant à ce moment-là).
Bref, une vie menée à 200 km/h.
C'est dans un cottage du Pays de Galles (Bron-Yr-Aur) que Page et Plant vont se poser pour s'attaquer à ce troisième album. Le calme, la campagne, les vieilles ruines, tout cela inspire les deux anglais et surtout Page, ce qui donnera une aura mystique à l'album, presque de fantasy, surtout lorsqu'on sait leur amour pour Tolkien notamment.
La question difficile pour l'immense majorité des groupes, mais pas pour Led Zeppelin, c'est "Que faire après un chef d'œuvre ?" Cinq fois de suite, ils ont su y répondre.
Si le second album était la continuité du premier (enregistrement presque live, écriture pendant la tournée, exploration du hard rock et du hard blues, toujours avec de petites touches folk), ce troisième opus est davantage travaillé, et clairement diviser en deux faces.
Une rock, qui pourrait être la continuité des opus précédents, et une clairement folk qui aura beaucoup décontenancé la critique à l'époque.
C'est aussi un album où Robert Plant s'affirme de plus en plus comme songwritter, et comme un grand chanteur (certes c'était déjà le cas, mais il continue d'ajouter des cordes à son arc). Jimmy Page continue d'explorer ses possibilités comme producteurs, avec toujours quelques trouvailles géniales (pour ça, et de manière générale pour tout savoir sur les chansons du groupe, le livre Led Zeppelin La Totale est parfait). Lui et John Paul Jones continuent de toucher à diverses instruments, par exemple c'est sur Gallows Pole que l'on trouve l'unique apparition d'un banjo dans l'histoire du groupe. Et John Bonham... lui aussi s'essaie à de nouveaux types de percussions, et son flow est toujours aussi génial et inimitable. Les trois survivants ont eu raison de ne jamais vraiment remonter le groupe sans lui, il était irremplaçable.
Peut-on débuter de manière plus cool un album qu'avec Immigrant Song ? Inspiré par un concert mémorable en Islande, il chante les vikings, et le groupe suit merveilleusement avec un riff ravageur de Jimmy Page. Le seul passage acoustique de la face rock, Friend, est assez sombre, presque mystique, où Page trouve son inspiration dans la musique indienne. Le guitariste sublime Celebration Day avec ses techniques de slide guitare, petit bijou sous-coté dans le répertoire du groupe.
Que dire sur Since I've Been Loving You qui n'ait pas encore été dit ? Sublime blues, avec un solo exquis, et un Plant qui prend toujours plus d'ampleur avec une grande performance vocale. Inspiré par John Bonham, Out on the Tiles (qui parle surtout d'enchaîner les bières, ça ne s'invente pas) conclut superbement la première face, avec un riff bien hard.
Si cette première face est incroyable, c'est la seconde qui attire plus mon intention, inhabituel pour Led Zeppelin, tant au moment où III est enregistré que dans la suite de leur carrière. Une face folk, très jolie, où le groupe joue de sa capacité à inclure diverses sonorités et instruments.
Chanson traditionnelle et notamment remis au gout du jour par Leadbelly, Gallows Pole revient sur la tentative de corruption d'un bourreau qui s'apprête à pendre une jeune femme, avec une variante funeste dans la version de Robert Plant ! Le rythme est crescendo, le banjo, l'acoustique, la mandoline et l'électrique se mêlent à merveille et l'ambiance est de plus en plus tendue, le groupe repousse toujours autant les limites.
Pour Tangerine, Page reprend une des chansons qu'il avait jadis composée avec les Yardbirds, c'est une belle ballade, évoquant une de ses relations, et il use de la pedal steel, comme toujours, à merveille. That's the Way ne bénéficie pas de John Bonham, et évoque les désillusions face à une société violence, la mandoline de John Paul Jones apporte une touche assez poétique, et l'ambiance folklorique continue de s'accentuer sur cette face. Pour l'anecdote c'est, selon Robert Plant, peu de temps après son enregistrement que la fille de Jimmy Page fut conçu !
Ecrit en hommage au chien de Plant, Bron-Y-Aur Stomp est une superbe acoustique qui monte peu à peu en puissance, avec un Bonham très inventif (castagnette, grosse caisse notamment), qui sera sublimé lors des concerts (comme la majorité de leur répertoire). Sur la version deluxe de l'album, on trouve une version électrique très intéressante. En hommage au chanteur Roy Harper, Hats Off to (Roy) Harper conclut superbement l'album, un jam bluesy où Plant s'amuse à chanter dans l'amplificateur de son harmonica !
Souvent sous côté car coincé entre les deux monstres Led Zeppelin II et le fameux quatrième album, III n'en demeure pas moins un formidable album, sans aucune fausse note et quelques titres parmi les plus fameux du dirigeable, et surtout une ambiance qui traverse l'album, d'abord électrique et mystique, puis de plus folklorique une fois que l'on arrive sur la partie acoustique. Un immense album