Cinq ans après une fabuleuse collaboration sur le film Glory, le compositeur James Horner et le réalisateur Edward Zwick se retrouvent pour Legends of the Fall, un film en costume, à la fois héroïque, tragique, pétri d'honneur et de tristesse. Un film au casting trois étoiles emmené par un Anthony Hopkins impérial et un Brad Pitt habité par son rôle. Tout comme il l'a miraculeusement fait pour le score de Glory, Horner a réussi à faire sienne la vision du réalisateur et à mettre en musique le souffle épique du mélodrame de Zwick.
Avec Legends of the Fall commence pour Horner une année 1995 particulièrement riche et dense emmenée par son travail sur Apollo 13 et Braveheart. Ces trois seules partitions ont décrochés deux nominations aux Golden Globes et aux Oscars. Mais aucune n'a décroché de statuette. Cette année 1995 (et on peut y ajouter Celles de Casper et Balto toujours cette même année), est à n'en pas douter la période la plus gratifiante du compositeur.
Horner a déjà par le passé prouvé son sens de la mélodie qui touche le cœur et son talent à composer des partitions thématiques spectaculaires. Mais jamais le compositeur n'arrivera par la suite à surpasser le niveau de gravité du score de Legends of the Fall. Pas même avec Titanic.
Horner a composé un nombre important de thèmes principaux pour le film. La plupart ont un développement qui leur est propre, et chacun prend sa source dans la majesté des paysages du film. On fait assez facilement le lien de ce score avec la partition de Dances with Wolves que John Barry a composé en 1990. Le rythme est plus lent, le contrepoint est au minimum, et les musiciens du London Symphony Orchestra donne une belle énergie dans l'interprétation des cordes, tout comme dans le travail de Barry, en rajoutant quelques instruments tels que les cors. C'est la qualité et la puissance de ces thèmes qui ont fait le succès de cette partition.
Deux grands thèmes se détachent. Le premier, que l'on entend dans la première moitié de "Legends of the Fall" est la représentation de la terre. Il retranscrit la beauté des paysages du Montana et est l'âme de la partition. Il n'est peut-être pas aussi utilisé que le second thème, mais clôture de façon magistrale le film dans une interprétation superbe.
Le second thème de la partition est celui qui unis la famille Ludlow. Il est utilisé plus fréquemment par Horner. Ce thème possède une très forte dominance des cordes que le premier thème, et les deux interagissent à plusieurs endroits dans la partition. Parfois des variations plus calmes sont entendues dans des solos pour piano ou bien pour violon comme la représentation mélancolique du personnage de Hopkins. Ce thème est tout simplement incroyable de beauté, qu'il soit joué par l'orchestre entier ou bien simplement en solo.
Les thèmes composés pour chacun des trois frères ne sont pas aussi distincts car ce sont des variantes du thème des Ludlow. Une variante plus sombre est entendue pour Samuel, le plus jeune des frères dans "Samuel's Death". Celui de Tristan, le personnage de Brad Pitt est probablement le plus puissant des trois. On l'entend dans "The Changing Seasons/Wild Horses/Tristan's Return" et "Alfred, Tristan, The Colonel, The Legend...". Dans le premier morceaux, le thème est au dessus de percussions puissantes, tandis que le second morceau offre le thème joué à la flute shakuhachi chère à Horner dans une version poignante (à partir de la 6ème minute).
Les trois thèmes "fraternels" sont entendus dans le magnifique morceau "Goodbyes".
L'utilisation de la flute shakuhachi est omniprésente dans la partition. Elle est utilisée dans plusieurs morceaux. Tout comme il l'avait fait pour le film Thunderheart, Horner utilise cette flute japonaise afin d'accentuer les émotions basiques de l'histoire comme le suspense, la peur ou la Mort.
L'une des forces de cette partition est le fait que chaque moment thématique va dans le même sens: toucher le cœur de l'auditeur en sublimant une histoire et des images.
Ce qui est assez admirable dans cette partition, c'est qu'elle est aussi efficace dans le film que hors film. On peut l'écouter de façon totalement autonome, détachée des images, et on a véritablement l'impression d'une œuvre qui a sa vie propre, composée pour les concerts.
L'album de Legends of the Fall possède un statut quasi "culte", auprès des spécialistes de partitions de musique de films, mais aussi du grand public... et ce 20 ans après sa sortie. Cette partition est un achèvement incroyable dans la carrière de James Horner, au même titre que Braveheart selon moi. Les thèmes nombreux sont d'une beauté confondante, l'orchestration de Thomas Pasatieri et Don Davis est fabuleuse de justesse, et malgré sa durée de 75 minutes, pas une seconde ne semble en trop, ce qui n'est pas le cas de beaucoup de scores. Du grand, du très GRAND James Horner. Bravo Maestro.