L’Élite
7.3
L’Élite

Album de Trust (1979)

Formé dans la région parisienne en 1977 par Bernie Bonvoisin et Norbert « Nono » Krief, en pleine période punk, le groupe publie un premier 45t « Prends pas ton flingue »/« Paris by night » quelques mois plus tard sur le label Pathé Marconi. Le groupe écume toutes les salles parisiennes de l’époque dont le Golf Drouot. Un contrat est ensuite signé avec CBS qui sort leur premier album en 1979. La direction musicale y est très variée, puisqu’on y trouve des morceaux hard rock, des influences rock 70, une énergie punk et des touches de variété et des arrangements que l’on retrouve habituellement dans le funk. L’alliance entre les guitares inspirées de Nono et les paroles revendicatrices de Bernie, en accord avec l’ambiance de l’époque, semble toucher les jeunes de l’époque, notamment dans les banlieues, tout en intéressant un plus large public.
L’album s’ouvre sur un hard rock carré, « Préfabriqué » qui dénonce certains travers de la société. Le riff est entraînant, annonciateur des années 1980. On comprend aisément qu’on tient là un grand guitariste, ce qui se vérifie sur le solo. En revanche, la voix est hurlée, punk, et renvoie plus à Paul DI’Anno qu’à Robert Plant. Cette dichotomie est sans doute ce qui a attiré des fans vers Trust. Bernie se veut le porte-parole d’un prolétariat exploité, comme dans « Toujours pas une tune », un titre peu marquant avec son ambiance 1970 et surtout « Bosser huit heures », un rock enlevé dont les paroles, simples, directes, sont crachées plutôt que chantées. Ces morceaux frappent par leurs revendications, mais sont dépassées par « L’Elite », un vrai hit en puissance, tenu à bout de cordes par Nono. La section rythmique assure, sans être de grande qualité. Les influences de Led Zeppelin et Black Sabbath sont évidentes dans la manière qu’a Nono de construire ce morceau en jouant sur les ambiances. Le solo, majestueux, éclaire l’ensemble. Après les patrons, Bernie s’en prend à la police dans « Police Milice ». Les paroles, comme pour les titres précédents, sont pleines de récriminations et finalement très basiques, ce qui permet aux auditeurs de comprendre ses messages. Plus proche du hard rock des années 1970, le riff de base est assez simple, les bruits de sirènes apportent un peu de réalisme à l’ensemble.
Le rock des années 1970 est omniprésent sur ce disque qui se trouve à une année charnière pour la musique. J’ai cité « Toujours pas une tune », on peut aussi évoquer « Le matteur », dont le saxophone allège l’ensemble avec ses ambiances funk, ou « Palace », avec son introduction assez proche du rock variété de cette époque et son rythme disco funk. Plus intéressant grâce à un riff digne de Frank Marino, « Comme un damné » propose un mix entre boogie et rock, un peu gâché par un son de batterie trop léger. On comprend que le groupe hésite entre plusieurs directions. Tiré vers le punk par son chanteur, vers le hard rock par son guitariste et freiné par une section rythmique poussive, ce qui est criant sur « H & D », un des meilleurs morceaux de l’album grâce à sa construction intelligente et ses riffs accomplis. Les effets sur le chant sont les bienvenus, ce qui rend la voix de Bernie moins directe. La reprise du « Ride On » d’AC/DC marque les esprits et attire au groupe des fans qui ne les auraient certainement pas remarqués, même si « Paris by Night », adaptation de « Love at First Feel ».
Symbole des années Giscard, comme Téléphone ou Renaud, Trust parle à une jeunesse populaire qui ne se retrouve pas dans cette société et qui va vouloir un changement de politique en 1981 (en se faisant royalement entuber). Il incarne une époque où le rock était la voix des banlieues et des laissés-pour-compte, place que lui a ravi le rap. Dans un sens, Trust préfigure Rage Against The Machine. Le succès de cet album qui va s’écouler à un million d’exemplaires surprend son label qui avait plutôt misé sur Téléphone.

DenisLabbe
7
Écrit par

Créée

le 11 sept. 2020

Critique lue 577 fois

4 j'aime

Denis Labbe

Écrit par

Critique lue 577 fois

4

D'autres avis sur L’Élite

L’Élite
DenisLabbe
7

Une entrée sans prévenir

Formé dans la région parisienne en 1977 par Bernie Bonvoisin et Norbert « Nono » Krief, en pleine période punk, le groupe publie un premier 45t « Prends pas ton flingue »/« Paris by night » quelques...

le 11 sept. 2020

4 j'aime

L’Élite
Mojo-Jojo67
10

Analyse Tracklistique de L'Elite de Trust

Préfabriqués : Le gros titre du début d'album qui te fait direct bondir de ton siège avec son énergie folle et ce riff de guitare sublime ! Le passage mélodiques de guitare en arpèges avec le Chorus...

le 1 févr. 2021

L’Élite
PhilippeAllegre
7

pas de chichi

Dans une france très bourgeoise, lorsque Trust arrive avec des paroles crus et des guitares saturés de hard rock. On comprend mieux que les radios ne les passaient pas. Déjà , il y avait 4 radios...

le 28 mars 2018

2

Du même critique

Lupin
DenisLabbe
3

Loupé : dans l'ombre d'Omar

Lupin (2021) Lancée à grands renforts de publicité, cette série Netflix s’appuie sur une distribution construite autour d’Omar Sy et une intrigue soi-disant basée sur des références à Arsène Lupin...

le 8 janv. 2021

21 j'aime

10

Tribes of Europa
DenisLabbe
5

Les 100 de l'Europe

Série allemande Netflix, tournée en allemand et en anglais, Tribes of Europa s’inscrit dans une mouvance postapocalyptique à la mode. A ce sujet, les Allemands ne font pas les choses à moitié : ils y...

le 20 févr. 2021

19 j'aime

Lovecraft Country
DenisLabbe
9

L'Appel d'Ardham

Nouvelle série sur OCS signée HBO, Lovecraft Country s’inspire de l’univers lovecraftien et d’une nouvelle de Matt Ruff pour nous dépeindre une Amérique en pleine déliquescence, gangrenée par ses...

le 17 août 2020

13 j'aime

3