Retourne à l'école du micro d'argent ?
Membre bien connu de Sexion d'Assaut, Black M sort suit les traces de Maître Gims et sort son premier album solo avec Les Yeux plus gros que le Monde, en rapport avec son gimmick visuel. Avant toute choses, il faudrait déjà que je parle de mon rapport avec Sexion d'Assaut. J'oscille entre la méconnaissance totale et assumée et un respect très relatif. Globalement j'ai entendu plusieurs singles et je me dis que ce qu'ils font c'est pas mal mais que c'est de la pop et pas du rap. Et quand ils rappent je regrette quand c'est de la pop. J'ai jamais eu envie d'acheter un seul de leur album et pourtant, le titre Mme Pavoshko m'est resté en tête 48 heures après une première écoute dû au hasard. Globalement, j'ai vu là un signe, en me disant "allez, faut tenter". Deux heures plus tard, je ressort de chez mon disquaire et j'attends impatiemment d'écouter cet album. Impatience qui sera ponctué au préalable d'une soirée Deftones (ce son est bon).
Finalement c'est donc quelques jours plus tard que je me met enfin aux Yeux plus gros que le Monde de Black M. Et là, pendant 3 longues journées, je n'écouterais que ce disque, pour le comprendre pleinement et le faire entièrement mien.
Mon dernier album de rap était le dernier Disiz qui m'avait grandement déçu, donc j'avais pas d'espoirs particulier pour le rap français actuel. Pourtant, un rapide constat s'impose à mes yeux : Merde !
Merde, parce que je suis un poil énervé de voir le niveau du Rap Game contemporain, je n'ai de cesse de vouloir l'oublier et pourtant il me revient sans cesse dans la face. Pour citer justement ce que disait Disiz en 2007, il y a un héritage 50 Cent en France, un amour de la violence et du fric à tout prix. Mais, le rap a une autre culture, celle de l'échec. Vous savez, cet art qui a été mis en avant par le Klub des Loosers. Deux visions totalement différente de ce qu'est le rap. Un truc de bad-boys sous testostérone ou un message dépressif de mec se sentant exclu de toutes réussites possibles. Black M est entre les deux, hésitants sans cesse sur quel pied danser, symbole d'une schizophrénie non assumée du rap français.
L'égo-trip est effectivement présent (A la Votre, Ailleurs) tout comme le goût de l'échec (Spectateur, A force d'être, Interlude). Mais à chaque fois Black M hésite et à du mal à s'assumer. Il ne souhaite pas trop se dévaloriser mais n'est pas le genre à jouer les bandits. Un doute qui s'installe et se pose.
Mais le vrais problème est plus simple enfaite, il est au niveau de la technique. Son flow est correct, pas incroyable mais pas mauvais, il n'est pas cependant un argument de vente. Alors que pour ces textes, holà ... Que ça soit dans les sujets ou dans l'écriture, on est loin d'être face à du bon.
C'est tout moi, par exemple, sonne comme une imitation raté d'un titre de lover. Bien mal écrit on ne ressent rien si ce n'est une incapacité chronique à maîtriser la thématique du love et d'en faire des paroles cohérentes. Je n'ai pu m'empêcher de comparer à Disiz pour ce genre là (oui, je sais, je le cite souvent).
Mais je vous rassure, on a plein de cliché du rappeur de piètre qualité. Les "ho", "ha" et autre "wou" rajouté dans les vers pour arrivé au bon nombre de pieds sont assumés nombreux, c'en est effrayant. On a également le droit à beaucoup de rap en prose. Et bien que je ne trouve pas forcément l'idée mauvaise, c'est toujours mal exécuté. En faite, ce n'est absolument pas justifié car derrière la prose nous n'avons pas une belle tournure de phrase ou une punchline qui étale. Non, loin d'être ça, on est très déçu par les phrases qu'il sort. Globalement le niveau d'écriture est vraiment faible et c'est peut être ça le pire. Pourtant, on a bien le droit à quelques passages sympas, mais globalement l'ensemble des textes restent très bas et ne valent pas la peine qu'on s'y attarde trop.
Black M offre un album de 19 pistes assez variés au niveau sonore quand même. Le fait qu'il hérite du côté pop de la Sexion fait aussi que l'album est écoutable sans trop d'ennui, ce qui est une véritable force. En effet, si le disque ne brille pas par sa qualité, notons cependant que le temps défile sans être au ralenti, c'est déjà pas trop mal, non ? Les instrus sont vraiment variés et c'est un plus. Peut-être même un peu trop, au point que Casse pas ton Dos ressemble à un morceau tiré de Stromae (paroles exceptées bien sur).
Globalement le manque de sérieux des textes baissent pas mal le niveau du disque. On se retrouve sur du l'argent c'est mal (Money, titre dont l'homonymie avec le célèbre tube de Pink Floyd devrait le faire rougir de honte tant le message est médiocre et n'est pas caché par la tonne d'effet ridicule sur la voix de Black M), mon équipe c'est la meilleur (Ailleurs), les préjugés c'est nul (Le Regard des Gens) et l'école ça craint (Mme Pavoshko).
Notons Jessica, titre sur une fan pour le moins envahissante qui monte en puissance. Certes, là encore l'écriture est très moyenne mais le rendu est quand même pas trop mal. D'ailleurs, plusieurs titres restent appréciables comme Mme Pavoshko, Ailleurs, Spectateur (un des rares dont le texte est pas mal trop mauvais), A Force d'Être, La Légende Black (avec un Dr. Berize qui met l'ambiance). On notera aussi Je ne dirai rien où le featuring de Doomams et Shin Sekai remet en évidence le faible niveau de Black M.
A l'inverse le featuring de Big Ali m'a énormément fait rire pour A la Votre tellement je trouvais ce titre peu sérieux, rempli d'un égo-trip prépubère mal géré.
Quataris m'a amusé pour la critique de l'investissement étranger qui semble prendre l'âme de certains organismes (le PSG ? Je sais pas, j'aime pas le foot). Interlude de son côté m'a étonné par son nom sans raison. Certes, il est au milieu de l'album, mais il n'est pas du tout un interlude, ou alors un interlude entre quoi et quoi ?! Y a rien de fait derrière quoi ! Pas de séparation ou de travail de fond !
Enfin, je devrais pas m'étonner vu l'intro où on a l'impression qu'il souffre d'une gastro ... (Si si, je vous jure).
Au final, ce premier album de Black M révèle une prod plutôt bonne, quelques vagues idées bonnes et une capacité à ne pas ennuyer l'auditeur en diversifiant les sonorités. Malgré tout, on regrette la faible qualité des textes. Si je devais parler en chiffre, je dirais que 15% des textes sont bon, 45% est tolérable et 40% est extrêmement mauvais. C'est dire ! Le manque de puissance dans les thématiques, traités bien souvent de manière superficielle, limite à la va vite fait grandement souffrir.
Désolé Black M, il aurait fallu plus bosser !