Aujourd'hui, B.B King est mort. Ou peut-être était-ce la semaine dernière, je ne sais pas. J'ai entendu la nouvelle à la radio, sur France Inter : "Le roi du blues est mort." Cela ne veut rien dire, des roi du blues il y en a plein. John Lee Hooker était aussi l'un des rois de cette musique d'origine afro-américaine.
En ce jour de deuil, sombre, comment peut-on encore prétendre ignorer ce qu'il faut écouter en se levant le matin? Bien des fois, il suffirait de consulter la rubrique nécrologique d'un magazine issu de la presse rock, pour faire le constat des décès appartenant au monde du « rock », qui englobe aussi bien, avec un terme à la connotation si générique, des gars aussi divers que William Burroughs, Lou Reed, Roy Sheider ou, donc, B.B King, et se dire, toujours avec regret, qu'on ne pourra plus jamais les entendre en concert, même si on n'accroche pas plus que ça avec l'oeuvre du dit gars décédé (le nombre de personnes en France qui se sont subitement estampillées « fan de Bashung » à la mort du gars, cette blague...).
Et voilà... « Bibi » est mort. Il fallait bien que ça arrive un jour. Personne n'est éternel, et même si cet axiome s'impose avec évidence pour tout le monde, ça fait toujours mal d'entendre à la radio la mort d'un artiste qu'on aime... ça pique un peu quoi. Franchement, quand De Niro va clamser dans 10 ou 15 ans, ça fera chialer un bon petit nombre de cinéphiles... Non pas que les larmes me soient montées aux yeux pour ce grand bonhomme du blues, ce monstre que je croyais increvable, cet ogre, mais bon, on se remémore subitement le parcours de l'artiste, et on accède à nouveau à son œuvre comme si on (r)ouvrait la Boite de Pandore.
Le matin de la mort du King, le cœur serré (tu parles!), je me dirigeais vers mon ordinateur portable pour y écouter de la musique, et, face à cette multitude d'albums (issus de mon disque externe) qui me plonge bien souvent dans l'embarras à cause d'une diversité de choix trop riche, je réalisais que, pour une fois, je savais très bien ce que j'allais écouter.
Un album live, enregistré en 1964, jouissant d'une très bonne réputation.
Ça commence en fanfare. Des blues,des rhythmes & Blues, avec une section cuivre enrobant le tout d'un esprit de fête, comme un coulis chaleureux immédiatement accessible aux personnes ayant la chance d'assister à l’événement. Car B.B, comme Buddy (Guy), communique avec son public, il rigole avec lui, lui pose des questions, et a toujours quelques blagues à raconter. Disons qu'il ne faut pas être passif et qu'il faut nécessairement participer. Là, c'est plus qu'une participation, c'est une communion, une sorte de transe chamanique qui veut durer jusqu'à la fin de la nuit comme pour y exorciser des vieux démons du Mississippi, une messe électrifiée par des motifs de blues irrésistibles, une cérémonie digne d'un sorcier africain.
Et le public n'a jamais le temps de souffler, « Woke Up This Morning » rappelle au public qu'il est grand temps de se réveiller.
« Sweet Little Angel » n'est pas aussi cathartique que la version d'Hendrix, mais elle a le mérite de faire bouger.
« Please Love Me » est un boogie - blues qui dépote, avec une intro au riff ravageur. Les agréments de piano sont tout simplement magnifiques. Les cuivres s'y mettent et ajoutent au menu un esprit de fête, de danse. Des solos pleuvent, des solos inspirés, au toucher propre, humble, jazzy.
Ce disque n'est pas un chef-d'oeuvre, mais c'est le genre d'album solide, qui peu vite convaincre le mélomane, le mécréant ou l'inculte, tant l'artiste est à fond à la caisse. Les autres musiciens de l'orchestre participent, le bluesman au grand cœur fait jouer tout le monde, son saxophoniste fait péter le solo sur « You upset my baby », comme pour rappeler à tout le monde qu'il ne serait rien sans ses musiciens de route aguerris.
Un homme. Un bluesman. Et une humilité...
Chapeau bas l'artiste, et bravo pour l'oeuvre.