Oyez oyez ! La surdité précoce vous guette, les prévisions sont alarmantes, le sonotone à trente ans n’est plus rare… Bref il faut rationner son temps de musique écoutée à des volumes déraisonnables, tout le monde vous le dira. Malgré tout on a bien le droit de se permettre de petites entorses à la règle une fois de temps en temps. Et en l’occurrence, si vous n’avez pas encore entorsé en cette fin d’année 2011, on ne saurait que trop vous conseiller, afin de faire trembler la membrane de vos tympans sans avoir trop de regrets, la techno minimale de The Field.
Ecouter de la musique forte, quel est le but ? Comment expliquer une chose de manière rationnelle lorsque cette chose est une pure sensation ? Bien sûr que vous pouvez écouter les morceaux de dix minutes de Looping State of Mind à bas volume ! Mais la techno est de ces styles qui sont nés précisément parce que l’amplification existe. Parce que cette amplification permet une immersion physique totale. D’ailleurs comment expliquer autrement que l’on puisse supporter, et même aimer profondément, presque instantanément, les sept morceaux de ce nouvel album de The Field alors même qu’ils reposent sur des boucles reproduites, encore et encore, pendant plusieurs minutes, sans évolution majeure ? La techno est une expérience plus physiologique que cérébrale, elle est exclusive (vous avez déjà vu un raver danser avec quelqu’un ?), et elle s’écoute fort pour que le corps soit, littéralement, dans un cocon sonique. Peut-être est-ce la raison pour laquelle on associe le plaisir d’écouter de la techno à la réminiscence des battements du cœur de notre mère lorsque nous étions à l’état de fœtus…
Mais se borner à cela pour expliquer le bonheur ressenti à l’écoute de Looping State of Mind est insuffisant. C’est une lapalissade, mais il y a évidemment de la mauvaise et de la bonne techno. Et si celle de The Field est aussi réjouissante c’est bien entendu à son créateur qu’on le doit, et non au courant en tant que tel. Parce qu’Alex Willner a su, à travers ces sept titres, créer des champs (pour reprendre son patronyme), dans lesquels on peut s’étendre de tout son long et vivre, apaisé, la chaleur et le magnétisme de ses sons superbes. On n’a pas besoin de drogue pour écouter la techno de The Field, parce que c’est sa techno qui est la drogue.