"Torture mentale physique psychose."
Si, un soir, vous vous sentez mal, si vous êtes au fond du gouffre et que vous avez envie d'écouter ce qu'il se fait de plus sombre, si vous en êtes au point qu'à vos yeux Mano Solo est un brave gars optimiste et les chants lugubres de Joy Division, des minauderies inconséquentes, si vous êtes dans ce cas, alors il vous reste un ultime rempart : Macadam Massacre.
Sous ce joyeux titre se cache le premier album des Béruriers Noirs. Petite piqure de rappel, les Bérus ont été un des groupes majeurs de la scène française, un des rares à pouvoir soutenir la comparaison avec un certain Noir Désir. Chefs de file du punk hexagonal, il s'agit d'un groupe de scène, à l'engagement sans faille, et dont quelques albums ont fait date dans la petite histoire du rock français, notamment un certain "Concerto pour détraqués" acclamé encore aujourd'hui. Et avant celui-là, l'album qui nous intéresse.
Macadam Massacre n'a pas fait date dans l'histoire du rock français. Macadam Massacre n'est pas le sommet du punk, ce n'est même pas le sommet des Bérus. Macadam Massacre est un album à part. Concrètement, c'est un album répétitif, mal enregistré, dont les sonorités se limitent à une boite à rythme, à des guitares (très) saturées, et à l'apparition d'un saxophone le temps d'un titre. Les accords sont très simples, les mélodies aussi, bref, rien de franchement sexy à première vue. Et pourtant...
Vous savez, il est devenu courant d'entendre parler de telle ou telle œuvre d'art comme étant "un long cri désespéré". Ça fait partie de ces expressions galvaudées et légèrement agaçantes de la critique de nos temps. Pourtant, croyez-moi, et je ne saurais le décrire autrement, Macadam Massacre est un long cri désespéré. Un truc d'une noirceur hallucinante, bien au-delà de toute recherche d'espoir ou de rédemption, où même les "Je t'aime" se font cris de haine, où le saxophone, à l'instar de celui des Stooges, est d'une violence insoupçonnée, où l'on parle de la guerre, de la peine de mort, de lobotomie... Les pistes se suivent, se fondent et se confondent, pour au final ne former qu'un seul immense brulot politique, incendiaire et enragé, d'une force sans commune mesure.
Pensez-donc, ce disque est, du propre aveu des Béruriers Noirs, le reflet de leur humeur du moment : à cran et au bord du suicide. Macadam Massacre montre le groupe dans sa forme la plus brute, la plus dépouillée et la plus sombre. On est très loin de l'esprit festif et militant des disques suivants, Macadam Massacre est un disque angoissé, étouffant, et peut franchement rebuter au premier abord. Cependant, si l'album n'est certes pas facilement accessible, il contient néanmoins quelques titres réellement efficaces et accrocheurs. Ainsi, "Chromosome Y" ou "Hôpital Lobotomie" s'avèrent bien plus directement prenantes et parlantes que le reste de l'album, et peuvent tout à fait servir de point d'accroche pour aborder ce disque difficile, le tout sans rien sacrifier de sa noirceur.