Swahili Blonde est un projet improbable. Une entité qui regroupe aussi bien John Frusciante (ex Red Hot Chili Peppers) et John Taylor, bassiste de Duran Duran, il faut avouer que sur le papier ce n'était pas forcément imaginable. La responsable de ce tour de force s'appelle Nicole Turley, chanteuse et multi-instrumentiste (de la batterie au sitar en passant par le mini-moog et la basse). Sur ce deuxième album de ce groupe à géométrie variable, il y a d'autres musiciens invités : dans l'aventure, il y a Laena Myers-Ionita (membre de The Like au violon), Michael Quinn (Corridor ; trompette, violoncelle) et l'autre multi-instrumentiste Stella Mozgowa (Warpaint). Autour de Turley, songwriter en chef et meneuse d'hommes, tous les invités s'activent. Le verbe est juste car il y a dans Swahili Blonde, une effervescence incroyable, une vitalité débridée issue aussi bien de l'afro-beat que de la new wave ou de l'art rock américain. Le nom doit venir de là, de ce métissage hors norme qui recompose dans une liberté totale une carte musicale souvent trop figée. Les musiciens s'en donnent à coeur joie, Frusciante dans un jeu rythmique qu'on ne lui connaissait pas, Myers-Ionita dans un esprit free débraillé qui emporte tout sur son passage.
Ça bouge et ça secoue plus que ça ne danse ou sinon d'une manière désordonnée et impertinente. Nicole Turley est percussionniste à la base et fan de Brian Eno, et cela s'entend doublement dans le côté tribal de la musique et dans le choix de sonorités synthétiques en droite ligne des expérimentations des années 70. Cette association pourra évoquer The Creatures, projet bis de Siouxsie et son mari de Batteur Budgie : c'est flagrant sur certains passages de Tiny Shaman où Turley adopte une voix de prêtresse livide. Mais Swahili Blonde cite aussi ses sources en reprenant Red Money, un titre de Bowie issu de Lodger qui préfigure totalement en 1979 le métissage hors-norme pratiqué par le groupe en 2010. Le groupe hésite à toujours à tout déconstruire ou à mettre en place des mélodies ; à laisser parler ses instincts ou à particulièrement réfléchir sa musique. C'est peut-être la grande force du disque : de ne pas tomber dans le casse-bonbon autodestructeur mais seulement mettre en danger une musique qui mérite de l'être. Point fort dans cette folie contrôlée, Turley a un bien joli brin de voix et cela s'entend particulièrement sur Tigress ritual dont le côté groovy impeccable rappellera Luscious Jackson. L'expérience vous tente ?