Voix de velours ronde et timbrée, guitares acoustiques en arpège, mélodies triturées et diablement entraînantes, pas de doute les Innocents n’ont rien perdu de leur flamme.
Car c’est le retour des Innocents !
Un retour qui touchera une génération – la mienne – et laissera circonspect la suivante :
« Non mais, c’est quoi tout ce barouf ? C’est qui eux ?»
Je vous parle d’un temps et blablabla, non sans une certaine nostalgie doublée d’un bien-être tout adolescent.
Dans les années 90, les Innocents ont sévit sur les ondes pendant 10 ans jusqu’à leur implosion en plein vol en 2000 : le groupe se sépare, carrières solos mitigées pour les uns, production pour les autres.
Pourtant, le retour des Innocents est espéré, attendu. Mais si !
Tout le monde est suspendu au fil de Téléphone qui jamais plus ne sonnera et ne remontera pas sur scène ou alors il faudra couper. C’est le cas des Innocents. Ils passent de quatre à deux.
Après des retrouvailles dans les studios d’Abbey Road pour le mixage d’un « Meilleur de », l’idée de (re)commencer germe dans l’esprit de JP et Jean Cri.
Enregistré à domicile entre les lessives, le bain des enfants, les mélodies à la guitare et l’écriture des textes, Mandarine voit enfin le jour.
Et ?
L’esprit Innocents est bel et bien là. On y sent une connivence, un désir de jouer avec les harmonies, et cette sempiternelle envie de voir la langue française comme une stupéfiante usine à sons, qui n’exclurait jamais le fond. Chausse trappe, impasse, cul de sac.
Tout au long de ces dix chansons, il y a l’évocation de ce groupe qui renaît de ses cendres et assume inconsciemment ses balbutiements.
Dès le premier single, « Les philharmonies martiennes », il ne s’agit que de ça : expliquer à l’autre ce que l’on a imaginé de sa vie durant toutes ces années, lui confier son ardente volonté de « retrouver le geste frère ».
Pour le reste, je vous laisse découvrir un album qui déploie ses ailes avec un charme mélodique sans commune mesure.
A mon corps défendant, j’ai toujours apprécié les Innocents. Le sens de la mélodie et du texte finement écrit, des chansons qui parlent, qui vibrent et laissent échapper le souffle d’une émotion.
C’est le souvenir que je garde de « Colore », « Un autre Finistère » que je sifflote sans complexe. Mandarine s’inscrit dans cette simplicité, la complicité en plus.
Pas d’effet de manche, pas de production tonitruante.
Le duo déroule des chansons finement arrangées et au verbe singulier, agençant, comme s’il n’avait jamais cessé de le faire, un mélange unique et improbable. Ici ou là, un refrain peut évoquer Dick Annegarn et Paul McCartney. L'ensemble fait place à des compositions complexes, plus mélancoliques où les textes sont parfois énigmatiques.
Le temps suffit à sa peine : les dix chansons confirment ainsi le talent de ses auteurs et je peux désormais convenir que j’apprécie les Innocents que j’ai trop longtemps aimés comme un plaisir coupable.