Ah, le "cas Interpol", voilà un sujet passionnant s’il en est ! Et un sujet qui divise, en plus… Une apparition inespérée à la toute fin du siècle dernier, alors que le "rock à guitares" reprenait brièvement le dessus, en particulier dans la Grosse Pomme, et très vite, le leadership de fait de ce nouveau mouvement de "revival" - qualifions-le ainsi en toute bonne foi – de la Cold Wave tendance Joy Division (on appela cela par la suite Post-punk, mais ceux qui étaient là dans les années 80 se souviennent que cette étiquette n’existait pas à l’époque). Deux très bons albums, mais aussi une scission chez les fans du genre entre ceux qui préféraient Editors et la voix réellement "iancurtisienne" de son chanteur, et les fidèles de la bande à Paul Banks. Sur la longueur, il est incontestable qu’Interpol resta plus puriste, plus fidèle à ses racines que Editors, qui alla s’enliser dans l’électronique, le rock pour stades et le prog, mais il faut bien reconnaître malheureusement qu’aucun album dans leur discographie n’égale en splendeur "An End Has a Start", le chef d’œuvre d’Editors… Et que depuis dix ans, on espère à chaque nouveau disque que le potentiel d’Interpol se matérialisera enfin totalement…
… Mais force est d’admettre que ce ne sera encore pas pour cette fois, avec "Marauder", un autre album qui commence très bien, avec l’enchaînement de la belle mélodie mélancolique de "If You Really Love Nothing", et l’efficacité excitante de "The Rover", mais se perd ensuite peu à peu en chemin… Au point que l’écouter jusqu’au bout sans piquer du nez s’avère un véritable défi ! Pour quelques éclats épars, comme le final de "Flight of Fancy", une chanson qui aurait dû être un véritable triomphe, ou la brève tentative d’aller chercher « ailleurs » un peu d’originalité avec "Mountain Child", que de titres convenus, sans véritable direction, engloutis d’ailleurs dans une production étonnamment inconséquente, atone et brumeuse ! Grosse déception aussi que le chant de Paul Banks, que l’on annonçait pourtant plus "concerné" avec des textes plus personnels, un chant qui capte trop rarement notre attention, sans même parler de notre cœur.
Voici donc un autre album seulement honnête d’un groupe que nous avons tant aimé, et qui semble désormais avoir perdu son sens de l’orientation, et s’être résigné à ne nous proposer, sans grande conviction d’ailleurs, qu’une musique fidèle au genre. Une musique agréable, mais qui ne fonctionne vraiment, dans ses meilleurs moments, que parce que nous sommes nous-mêmes fidèles à nos amours de jeunesse.
[Critique écrite en 2018]
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