Il est parfois difficile de choisir quel est l'album de musique que l'on préfère ; en ce qui me concerne je n'ai aucun mal à dire que c'est Mauvais Œil de Lunatic.
J'ai rarement autant aimé un album de bout en bout ; un projet homogène avec des titres parfois juste très bons, souvent excellents et même mythiques pour quelques uns d'entre eux (Pas le temps pour les regrets, La lettre ou encore Le son qui met la pression). C'est sombre, cru, une liaison directe avec la banlieue et la "rage des immigrés". "J'rappe comme j'cause" dit Booba et cela donne cet aspect brut de décoffrage au vocabulaire employé pour constituer des textes brillants sublimés par le flow inégalé de Booba.
Booba est le feu, Ali est-il la glace ? La dualité des artistes fait-elle le brio de cet album ? Pas vraiment en fait. Leur duo est magique, se révèle dans les passe-passe comme sur Têtes brûlées ou plus généralement dans la manière d'alterner les couplets plusieurs fois au sein d'un même morceau ; mais Booba n'est pas que vulgarité et paroles sordides quand Ali serait foi et sentences raisonnées. La subtilité et les zones grises sont bien plus présentes que ce que l'on pourrait croire de prime abord. Ali peut lâcher des horreurs par instant ("un jour j'te souris, un jour j'te crève") et Booba faire montre de son désir de s'améliorer ("Mais j'ai du mal, c'est ce que je t'explique dans le disque") et l'on se rend compte c'est finalement là que leur duo touche au génie. Ils sont différents sans être opposés et se rejoignent parfois dans la violence ou la volonté de rédemption.
C'est sans doute l'album de rap que j'ai le plus écouté, et que j'écoute encore régulièrement, toujours fasciné par cette alchimie parfaite entre les deux bonhommes, par la gouaille inimitable et tellement variée de Booba (à son meilleurs niveau ici), par les prod' sombres, entêtantes, sortes de ritournelles macabres ou mélancoliques, synonymes d'une jeunesse d'alors qui tourne en rond, cloitrée dans un environnement déprimant qui tire vers le bas.
Un chef d’œuvre, un classique !