Peut-être est-ce le rendez-vous plusieurs fois repoussé qui a créé le manque.
Une première fois, en novembre 2015 pour cause d’attentat, une seconde en juin 2020 pour cause de pandémie mondiale (à me demander si je dois continuer à essayer d’acheter des places pour le groupe au risque de déclencher une nouvelle catastrophe globale), la rencontre physique semble promise à une éternelle malédiction.
Peut-être est-ce l’histoire du groupe et la personnalité de son créateur qui ont créé l’attachement.
D’abord considérées comme une forme de catharsis, pour faire face à la douleur fulgurante de la perte simultanée, par une même balle, d’un pote intense et d’un groupe en pleine gloire mondiale, les maquettes de ce qui deviendrait le premier album des Foo Fighters n’étaient pas destinée à rencontrer un autre public que l’âme tourmentée de l’ex-batteur de Nirvana. Il y joue de tous les instruments et ne prévoit qu’une petite production de LP pour ses potes. On connait la suite.
Que Dave Grohl soit un des types les plus passionnants à suivre dans l’industrie du rock ne gâche rien. Ses participations infinies avec les artistes les plus divers et marquants de la musique, ses défis avec les jeunes internautes hilarants, ou sa façon de jouer sur scène quoi qu’il en coute à son corps meurtris montrent l’amusement profond qu’il ressent quand il joue (en groupe ou spectaculairement seul), et prouvent mieux que n’importe quelle déclaration sur l’honneur à quel point la musique est toute sa vie, pour le plus grand bonheur de ses fans.
Toujours est-il que la sortie de Medicine at Midnight, pour fêter les 25 ans de ce qui est devenu un groupe, tombe à point nommé dans un univers musical morose et en manque de regroupements festifs.
Un pote m’a dit: “quand j’ai vu sur un ou deux réseaux sociaux “Foo Fighters, l’album de trop ?”, j’ai su que le disque devait être intéressant”.
Et ça n’a pas manqué.
Car l’album surprend, et c’est au fond ce qu’on peut demander de mieux à un projet de cet âge.
Il se veut festif et même dansant, rien que ça. Et c’est plutôt drôle, parce qu’il réussit à l’être, sans perdre l’âme du groupe.
L’anti-colonne vertébrale des 9 chansons qui constituent Medicine at Midnight est une recherche rythmique inventive et dynamique, puisque chaque morceau possédant un beat propre, parfois jamais entendu avant. Une particularité d’autant plus intéressante que le rapport entre Grohl et Taylor Hawkins doit atteindre des sommets de complexité, quand on connait la maitrise du premier sur l’instrument du second (réécouter Songs for the Deaf pour s’en convaincre).
Shame Shame est à ce titre représentatif de l’effort et de la qualité d’écriture de l’ensemble. D’abord parvenu à nos oreilles sous forme d’un single un peu déconcertant, il s’insert finalement à merveille dans un ensemble réjouissant.
Au delà de son tempo atypique, c’est au fond la mélodie de son refrain qui finit d’emporter l’adhésion de son auditeur ouvert aux expérimentations.
Ce sont donc sans grande surprise les rares morceaux à facture un peu classique pour le groupe (No Son of Mine, Love dies Young) qui apparaissent comme des petites tâches grises dans un univers par ailleurs coloré et effervescent.
Et ce qui fait sans doute le plus plaisir dans ce disque anniversaire, c’est la parfaite facture pop de plusieurs mélodies (Medicine at Midnight, Chasing Birds, le refrain de Shame Shame) qui viennent parfaitement soutenir les moments sautillants et parfaitement fun du reste de la sélection (Making A Fire mais surtout Cloudspotter).
Même Waiting on a War, parfaitement établi dans la généalogie du groupe, arrive, par sa double montée une première fois avortée, a surprendre ce qu’il faut pour soutenir la ligne mélodique entêtante avec toute avec l’attention nécessaire.
Bien entendu, l’album ne révolutionnera en rien l’univers de la power-pop, pas plus qu’il ne parviendra pas à convaincre les FooFightosceptiques à franchir le pas, et il décontenancera même sans doute aussi une partie de ses anciens adeptes. Mais pour les autres, cette livraison procure un grand plaisir, très loin d’être coupable.
Un article a retrouver sur The Geeker Thing