Pour qui ne connaissait pas Deerhunter avant ce plébiscité Microcastle, on peut légitimement se retrouver dépourvu, la bise du cerf venue (et attendue).
Ainsi, à l'ouverture sobrement intitulée "Intro", on pense d'abord à un nouveau représentant d'un post rock lyrique et dynamique. Le tout emballé en 1:22, hop merci au revoir. Mais voilà que le ton change radicalement, et c'est de la pop classieuse qu'on semble finalement nous servir sur un plateau d'arpèges. Avant que le serveur ne dérape, et que le plat ne se casse la gueule dans un vacarme absolument ravissant. Ce sont alors de violentes effluves shoegaziennes qui nous viennent aux narines, (grosse) tendance My Bloody Valentine ("Never Stops", "Little Kids" dans une moindre mesure).
Oui mais alors qu'est ce qu'on mange maintenant ? Le temps qu'on nettoie tout ça, qu'on nous reprépare de jolis mets, on nous fait patienter en essayant de calmer nos nerfs, agacés par tant de promesses interrompues si brusquement.
"Microcastle" ouvre alors ce triste bal ambient, rappelant de très près l'ennuyeux Pygmalion de Slowdive: à vrai dire, on ne parvient pas vraiment à s'immerger dans ces quelques plages contemplatives, exception faite peut être du joli "Calvary Scars".
Et si Deerhunter a le bon goût de ne pas s'étendre , cela nuit aussi à la crédibilité ce cette trop longue pause forcée... Car le pari ambient était diablement ambitieux, c'est vrai, mais comment réussir dans le domaine sans laisser VRAIMENT le temps à l'auditeur de s'adapter à ce changement aussi brusque de monde ? Le cul entre deux chaises, le groupe s'égare et nous avec.
Mais deux trois pirouettes, quelques tours sur lui même, et revoilà notre serveur préféré: le groove au cul, il nous réveille et nous rappelle au bon souvenir de cette entrée majestueuse qui nous promettait le meilleur. "Nothing Ever Happened" porte très mal son nom, c'est un des moments phares de l'album sans aucun doute, parce qu'il se pose là en morceau touche à tout, à la fois pop, bruyant et virevoltant.
Mais le plat définitivement servi, on ne peut retrouver cette félicité qui nous embaumait les narines les premières minutes. Le folk boogie moderne de "Saved By Old Times" traîne la patte, tout comme le shoegazien "These Hands", parasité par un tremolo pénible et une rythmique vaseuse.
Quand vient le dessert, on est déjà définitivement déçu. Pourtant "Twilight At Carbon Lake" réussit là où le ventre mou de l'album échouait: réunir ambient et bruit sur une pente ascendante.
Bref, on n'ira pas chercher les cachous pour l'haleine, mais on est quand même loin des saveurs enchanteresses vantées ci et là.