Je ne vais pas y aller par quatre chemins : Migration est une tuerie. Même s'il n'est pas genre de disque à débouler comme ça, avec force et puissance, affichant de manière ostentatoire sa grandeur et son talent. D.'ailleurs, cet album a déjà deux ans et n'arrive , qu'aujourd'hui en France : la fameuse migration annoncée dans le titre a dû se faire à dos de baleine et non à bord d'un Concorde. Pas grave, le disque n'a rien perdu de sa superbe.De la biographie du groupe, nous ne tirerons pas grand chose, sauf qu'en dépit de son nom, le groupe est bel et bien américain, qu'il est emmené par un leader texan, Gabe Levine (chant, guitares, claviers) et qu'il est basé précisément à Brooklyn, NYC. Précisons que ce quintette sort là son deuxième album après We feel safer at night en 2007 et qu'à ce rythme, il ne sortira chez nous qu'en 2014 sur la foi et la passion de quelques irréductibles hexagonaux du groupe.
Mais revenons à l'essentiel, au disque : Migration est un sommet de subtilité et d'équilibres miraculeux. Il doit s'écouter maintes fois pour révéler l'intégralité de sa géniale alchimie. Le charme agit tout de suite néanmoins car, Takka Takka touche autant les sens que l'intellect. A la base, les choses semblent plus simples ou en tout cas, plus habituelles : le groupe fait une pop indépendante typiquement américaine. On sent là la même inspiration que des groupes comme Clap Your hands say yeah ou The National. Comme eux,, le groupe part d'un sacro-saint triumvirat"guitare-basse-batterie" pour y ajouter ensuite des claviers, des textures, et surtout un esprit inventif. Le groupe dessine ainsi ses morceaux par touches impressionnistes pour obtenir un résultat justement touchant., Mais, et c'est ce qui fait toute l'originalité de Takka Takka, le groupe semble s'inspirer dans ses rythmiques du travail de Peter Gabriel. Là non plus, cela ne se fait pas dans la grandiloquence, les New Yorkais ne vont pas recruter les Tambours en Guinée ou chercher des pointures de l'afropop. Takka Takka n'en a ni les moyens, ni , fondamentalement l'envie. Le groupe préfère pratiquer sa révolution de l'intérieur, en nuances. Takka Takka rajoute des petites rythmiques de guitare, donnant un groove miniature à sa pop. Le jeu du batteur s'exprime dans une finesse de ton par syncopes et par contretemps. Avec eux, les couches sonores s'accumulent dans un savant échange de fluides. Résultat des courses : le coeur d'un auditeur un tant soi peu sensible défaille aussitôt.
On pourrait parler de Silence qui provoque à son écoute un irrésistible mouvement ondulatoire des épaules ; du solo de guitare joué à fleur de peau sur One foot in the well ; de ce magnifique Change no change entre folk pastoral et slowcore... On pourrait. Pour finalement se dire que tout titre de migration mériterait son florilège de superlatif et tout pourrait se décortiquer tel un travail d'entomologiste musical. Mais pour une fois, prenons Takka Takka pour ce qu'il est en premier lieu : un groupe magique. Et comme pour les grands magiciens, il est bon de ne pas révéler tous ses secrets.