Nujabes était un producteur incroyable, et c'est sur Modal Soul qu'il était à son apogée.
Bien évidemment, les samples sont ce pourquoi Modal Soul est aussi bon, mais il est d'usage de considérer également les ambiances et les influences diverses qui nous sont proposées. Dans une instrumentale Hip-Hop "classique" de la même époque, les samples utilisés provenaient généralement de styles musicaux pas très variés, qui oscillaient entre le blues, le jazz ou la soul par exemple. Ceci était logique vu que tous ces styles musicaux sont nés d'une culture afro-américaine qui souhaitait s'émanciper à cette époque. Mais dans ces anciens samples plutôt "classiques", les instrumentales produites essayaient en général de s'éloigner le plus possible de l'ambiance du sample original (qu'il soit jazz ou blues par exemple), pour se rapprocher une ambiance qui sonne plus Hip-Hop, plus sale, plus dure. On peut prendre l'exemple du célèbre "What's the difference" de Dr Dre où on retrouver un sample de notre Charles Aznavour national (du morceau "Parce que tu crois"). Mais dans le son final de Dre, l'ambiance d'Aznavour est totalement remplacée pour donner un morceau beaucoup plus rap "pure", et assez gangsta années 90-2000. A cette époque, on ne samplait donc que pour "servir" le Hip-Hop déjà présent, et "servir" les drums (percussions) et le rappeur.
Alors que dans Modal Soul, la différence est que Nujabes utilisait les samples (Jazz, Soul, Blues) comme une aide pour l'amener dans l'univers des genres musicaux auxquels ces samples appartiennent. Il avait la volonté de mélanger les genres pour créer quelques chose d'unique. Et c'est vraiment réussi.
Nujabes a invité sur Modal Soul des rappeurs américains, anglais et japonais underground, comme Substantial (un rappeur américain) ou encore Shing02 (un rappeur tokyoïte). Mais on trouve aussi un certain nombre de morceaux instrumentaux, ou pour la première fois, les instruments semblaient plus importants que le rap dans un album de Hip-Hop. Pas étonnant d'ailleurs pour une époque où les beatmakers n'étaient pas, ou très peu mis en avant (par rapport aux rappeurs). De nos jours on a beaucoup plus d'album fait par des beatmakers, mais avant c'était très rare, voir unique.
Pour finir avec Modal Soul et Nujabes, je considère cet album comme une prélude à ce que deviendra le genre musical "Lo-Fi" par la suite. Un producteur japonais, qui sample des anciens vinyles de jazz pour créer une ambiance reposante et même parfois assez spirituel et nostalgique... Vous avez compris où je voulais en venir.
Bref Modal Soul c'est un super album, allez l'écouter.