Gang Starr représente tout à fait le genre de hip-hop que j'adule en particulier, c'est-à-dire ce hip-hop qui correspond aujourd'hui à celui qu'on appelle "nuageux" outre-Atlantique, ce hip-hop transcendant & pourtant percutant, mais dont l'écoute propose un instant de détente absolue.
Très old-school dans sa composition, en ce sens que la linéarité prône, tant dans le flow que dans la rythmique ou l'instrumentale, on perçoit des influences nettement marquées : en ce qui concerne le débit & les paroles, on pense automatiquement à Mobb Deep, au Wu-Tang Clan ou à Nas, tout en songeant à l'apparition imminente du phénomène Madlib, faisant à l'époque ses premiers pas au sein du groupe Lootpack, ce genre de voix narrative, explicative, raccrochée à son temps & au temps qui défile en général, suscitant auprès de l'auditeur une recherche sur le passé, lui faisant réfléchir sur la nostalgie qu'il ressent ; c'est quelque peu semblable en ce qui touche l'instrumentale, répétitive dans sa structure, rappelant les rues sales & méconnues de l'underground hip-hop, représenté par des monstres comme The Lords of the Underground, The Pharcyde, Souls of Mischief, entre autres.
L'ensemble donne un cocktail détonnant mêlant quasiment toutes les sources de hip-hop, qu'il soit barré, posé, jazzy, professionnel ou nerveux, sans toutefois que tout soit incohérent au sein de l'album. C'est un hip-hop surprenant, faisant appel à toutes les sources nécessaires pour provoquer un élan cafardeux dans l'esprit de tout auditeur, on se sent inséré dans les années 90, sans cependant qu'on sache que c'est au cours de cette décade qu'il a été composé. Tout est très propre, très soigné, aucune erreur particulière n'est à noter, si ce n'est la redondance parfois non-désirée qui se fait sentir dans l'enchaînement de certains titres, mais celle-ci reste finalement assez peu présente, & l'effort à ce propos est remarquable, surtout sur un tel projet, s'étalant sur plus d'une heure de hip-hop sans répit (oui car ils auraient pu se consacrer à certaines pistes "interludes", ou baser des ponts à base d'instrumentales, mais on a le droit à des paroles chaque fois).
Sans m'attarder plus longtemps sur ce phénomène reconnu mondialement, & à juste titre, je tiens à remercier Tristan-Hugo, sans qui je n'aurais probablement jamais repensé à cet album qui a marqué une partie de mon adolescence sauvage. Mes artistes hip-hop indémodables étant Nujabes, Madlib, DJ Shadow & Why?, j'hésite à ajouter Gang Starr à mon top, duo produisant indéniablement une musique d'une qualité irréprochable.