J'adore Richter dans Schubert, qu'il joue avec une fougue qui n'est qu'à lui (son interprétation de la Wanderer Fantasie par exemple est magnifique), et ici les divins impromptus 2 et 4 sont parfaitement bien servis. Même si cette folie romantique schubertienne lui a surement été soufflée par la grande prêtresse cinglée qu'était Maria Yudina, elle réussit toujours à surprendre par l'amplitude de son expressivité.
Les deux études d'exécutions transcendantes de Liszt sont deux interprétations de choix également, avec une mention particulière à l'Harmonie du soir, qui rugit jusqu'à la limite sonore du piano.
Mais ce qui devait ne pas peu contribuer au choc de ce récital et contribuer à lancer Richter dans le monde musical occidental est cette interprétation des Tableaux de Moussorgsky, sans fard, sobre et tempétueuse à la fois, qui culmine dans une Grande Porte de Kiev qui amène l'auditoire aux portes du chaos. Une furie à nulle autre pareille!
A entendre ce récital, on comprend quel effet a pu produire sur le public habitué aux Backhaus et aux Kempff (que j'aime beaucoup par ailleurs, mais quand même) le débarquement des Gilels, Richter et consorts, qui devaient passer pour de sacrés olibrius à coté. Une émotion qu'on ressent encore à ce jour, presque 70 années plus tard!