Les groupes capables de prétendre à l'excellence dès leur premier album ne sont généralement pas légions, mais certains d'entre eux s'avèrent parfois être des artistes inoubliables. Citons au hasard : les Guns'n'Roses, Pearl Jam, Sex Pistols, Joy division, New York Dolls, Rage Against The Machine, The Velvet Underground... il s'avère à l'écoute de ce fameux disque inaugural "Murmur" que R.E.M est également de ceux-là.
En effet, ce premier disque "Murmur" est un tel régal auditif du début à la fin qu'il est difficile de faire la fine bouche en n'y voyant pas déjà les qualités d'un grand groupe déjà réunies bien avant que d'autres grands disques tels que "Out of Time" ou "Automatic for the People" popularisent R.E.M. de manière planétaire dans les années 90. Ces qualités peuvent se résumer en plusieurs mots : mélodie, voix remarquable et production impeccable. Les mélodies inoubliables ne manquent effectivement pas sur ce premier essai discographique, du single d'ouverture "Radio Free Europe" à la reprise du Velvet Underground ("There She Goes Again"), en passant par le magnifique "Perfect Circle" ou "Sitting Still", tout ici suinte la perfection mélodique. Ceci étant dû d'une part à un son de guitare de Peter Buck très cristallin et immédiatement identifiable que certains pensent hérité des Byrds, et d'autre part au chant de Michael Stipe souvent marmonné donnant lieu notamment à un "Laughing" intimiste, et dont le grain de voix si particulier et envoûtant prend toujours une ampleur particulièrement imposante sur les refrains, d'où un "Pilgrimage" plein de justesse et immédiatement accrocheur. Le morceau "Perfect Circle" est à ce titre un des plus beaux morceaux jamais composés par le groupe et déjà un sommet de leur répertoire à lui seul, la voix de Michael Stipe plongeant dans un sentiment de vulnérabilité l'auditeur à l'intérieur d'une bulle dont il n'a pourtant pas envie de sortir tant elle est émouvante et agréable à la fois.
La production contribue à dresser un climat mystérieux sur la majorité des morceaux, nous donnant l'impression d'évoluer à travers des paysages brumeux. La musique quant-à elle semble habilement partagée entre rythmiques "pop" et sautillantes sous l'influence de la new-wave ("Radio Free Europe", "Catapult") et des refrains quelque peu folks, souvent chaleureux et enjoués ("We walk"). Malgré ces caractéristiques communes à tous les titres donnant un aspect assez homogène à l'album, cela n'empêche pas à certains morceaux d'y aller de sa petite touche d'originalité, comme sur les refrains de "Moral Kiosk" où le chant de Michael Stipe se veut saccadé en accord avec un rythme de batterie qui ne l'est pas moins, ou encore sur le joli "Talk About the Passion" laissant intervenir de discrets violons donnant toute sa saveur au morceau. L'album réussit donc l'exploit d'être cohérent et varié à la fois, la marque des grands disques assurément ! Par ailleurs, varié et regroupant diverses influences la musique de R.E.M l'est tellement que l'on qualifiera assez vite par la suite le groupe de "rock alternatif", le terme "alternatif" représentant alors souvent une "alternative" lorsqu'un groupe possède un style tout simplement inclassable.
Lorsque la fameuse question du meilleur album de R.E.M est posée, la majorité répond souvent qu'il s'agit d"Automatic for the People", d'autres préférant "l'ancienne période" de R.E.M (celle dite I.R.S) opteront alors pour "Document" car possédant un côté plus rock et donc plus "efficace" en apparence que celui-ci. Pourtant, pour toutes les nombreuses qualités citées plus haut, vous l'aurez compris, ce premier album peut tout à fait légitiment prétendre au trône.
Chronique écrite le 4 août 2014.