Heaven assumed, shoulders high in the room
Murmur n’était pas la suite logique de Chronic Town que j’attendais. Il ne faut pas s’attendre à un album très rock de la part de R.E.M cette fois, et si des morceaux comme Radio Free Europe ou Moral Kiosk sont quand même bien énergiques, ils sont très loin d’atteindre la puissance d’un morceau qu'était l’extraordinaire Wolves, Lower.
Sur le coup j’ai donc été profondément déçu. La note que j’ai attribué à Murmur au départ après quand même une bonne vingtaine d’écoutes était très basse, mais pas car je le détestais non, car je ne pigeais pas ce qui était incroyable, car les chansons étaient un peu toutes les mêmes, car ça manquait de moments intenses, ce genre de stupidité…
Heureusement, Murmur est l’un de ces rares albums qui ont eu la chance de me faire changer d’avis. Ca n’aura pas été facile, et si je n’avais pas prolongé mes écoutes des deux albums suivants (qui sont cette fois des suites logiques, j’y reviendrais peut-être un jour), je serais surement le premier à trouver mon pied dans leur période plus commerciale, et surtout plus énergique. Dieu merci ça n’a pas été le cas, Lifes Rich Peagant m’a bien fait comprendre que ce n’est pas ce que je préfère.
En fait Murmur, ce n’est pas incroyable comme je l’imaginais. C’est même d’une terrible simplicité, un morceau comme Pilgrimage ne se base que sur une ligne de notes très simple et sans cesse répétée, même les paroles ne changent pas sur les 3 couplets. Quel affront !
Mais y’a-t-il besoin de plus ?
On peut en effet reprocher à Murmur de ne pas être assez énergique, mais ce n’était pas le but de l’album. En se montrant assez lent et répétitif, Murmur a voulu proposer quelque chose de très beau. De la magie je dirais même, des riffs énigmatiques et fascinants, des paroles nimbées de mystères. Ce qui est bien avec Murmur aussi, c’est que toutes les chansons ont été composées par les 4 membres du groupe et c’est très rare pour le faire remarquer. Et ça se remarque aussi car la basse de de Mike Mills est envahissante sur tout l’album (écoutez donc les refrains de Radio Free Europe ou Laughing par exemple, j’adore) tout comme la batterie de Bill Berry qui dans son calme et sa simplicité est juste remarquable dans un morceau comme Pilgrimage.
En fait il est bon de dire que l’album est d’une richesse instrumentale imposante sans qu’il en fasse trop. Avec les moyens du bord, R.E.M. nous propose des morceaux très raffinés. La forme répétitive des morceaux ne doit pas vous piéger car il y a à l’intérieur des quantités d’idées bien dissimulées qui sont superbes. Ainsi vous apprendrez peut-être à prendre goût des petites choses comme le magnifique piano de Shaking Through, l’intelligence de la basse sur Radio Free Europe, ou tout simplement les géniales cymbales du troisième couplet de Pilgrimage, un moment très court qui n’a pas de prix. Vous serez encore surpris comme moi de découvrir de nouvelles choses après bien des écoutes.
Et puis tant qu’on y est, il y a un tas de refrains tellement irrésistibles. Que ce soit « Take oasis », « Calling out in transit », « Inside, Huh ! Hah ! » ou encore « Ca-Ta-Pult ! », ils sont trop bons !!
Mais ce qui fait de cet album quelque chose de magnifique, c’est la beauté qui en ressort. Murmur m’a paru naïf au départ et ce n’était pas complétement faux. We Walk, c’est de la joie naïve, de la poésie d’enfant. On ne peut résister au refrain de Talk about the Passion qui résonne à travers l’esprit dans toute sa lenteur, et encore moins avec Perfect Circle qui tremble d’amour. On peut trouver le début de Shaking Through naïf, mais bon sang ce que Stipe nous prend aux tripes quand il nous lance son cri… J’ai tendance à voir R.E.M. comme des enfants (sans que ce soit un défaut), mais quelle maturité pour des enfants ils avaient quand ils ont fait Murmur, alors à peine entré dans leur vingtaine.
Il y a tellement de beaux moments dans Murmur. Au hasard les couplets de Catapult, écoutez donc cette guitare. Ecoutez tout ce qu’elle a à vous dire. Puis passez ensuite sur Sitting Still et ses sublimes montées… Je ne peux pas m’empêcher de me dire que ce morceau est un peu le Wolves, Lower de l’album et que, s’ils l’avaient voulu, ils auraient pu faire un refrain explosif extraordinaire. Mais au lieu de ça ils ont préféré privilégier l’émotion et calmer le jeu pour nous en mettre plein les mirettes. Et ils ont bien fait, écoutez-donc ces chœurs et la fragilité de sa voix…
Il y a dans cet album une lenteur tantôt mystérieuse, tantôt amoureuse, tantôt pleine de sens, et toujours fascinante. Mince alors mais quel bel album !!
Enfin pas totalement parfait non plus. Vous pouvez constater que je n’ai pas encore parlé de l’expérimental 9:9 ou de West of the Fields qui sont plus anecdotiques. Ce ne sont pas de mauvais morceaux mais ils ne représentent pas l’esprit de l’album, ils n’ont pas cette émotion forte qui regorge dans les autres morceaux.
Enfin quoiqu’il en soit, un album magique. Il ne parlera pas à tout le monde c’est sûr, je suis bien placé pour le comprendre. Mais ne l’abandonnez pas si vite car Murmur est un album qui vous veut du bien. Et c’est un album intelligent, avec des paroles superbes et une richesse instrumentale exemplaire.
« To me this song is just about capturing the moment-a beautiful moment. Whether it's love or a breakup or odd occurrences you just don't understand and they get to you. It's one of the most beautiful song ever written. » (for Perfect Circle)
Ca fait chaud au cœur de lire ça. Capturer des instants magiques sur le moment, c’est un peu ça Murmur.