Depeche Mode, chapitre 6 : « Music for the masses » ou la conquête des masses.

Après avoir gagné une certaine crédibilité « rock » avec leur album « Black Celebration » et ouvert la voie à une musique plus sombre et réfléchie que ce que le groupe avait l’habitude de faire jusqu’à présent, Depeche Mode prend encore une fois une direction inattendue avec « Music for the masses » qui reste à ce jour un des sommets de leur discographie et un album charnière dans leur carrière. Si jusqu’à présent Depeche Mode avait toujours eu du mal à se faire une place dans le paysage rock à cause de l’usage massif (et exclusif) de synthés il avait tout de même démontré avec ses deux production précédentes qu’on pouvait faire du gros son et produire des bruits de caisses clairs avec des machines. D’où la surprise que l’on peut avoir en tendant l’oreille au début du titre d’ouverture, le mythique : « Never let me down again » où un léger riff de guitare vient ouvrir le morceau. Pour la première fois de toute sa carrière Depeche Mode ose utiliser la guitare…de façon très discrète car la production rythmique reste assez synthétique mais tout de même ceci est une révolution! Le reportage de la tournée suivant le disque (le fameux live « 101 ») est assez intéressant lorsque l’on voit Martin Gore tout émoustillé dans un magasin de guitare et où l’on devine que le son du groupe évoluera vers des sons toujours plus « humains » et organiques par la suite.


Le titre de l’album a beau être à la base ironique, on comprend très vite en écoutant cette pièce de choix que le groupe ne l’a pas choisi par hasard. En effet, ici le groupe commence réellement à s’émanciper du genre « new wave » (dont certains Ah-ah et autres Simple Minds ne se sont jamais totalement affranchis) et vise plus large, plus haut, plus beau tout simplement! C’est pour ainsi dire une oeuvre à la richesse musicale que les anciens détracteurs du groupe n’auraient pas soupçonné jusqu’à présent! Martin Gore en tant que grand amateur de rock, de blues, ou de jazz a décidé de dévoiler l’étendue de son talent et de ne plus faire une musique exclusivement froide et « pop ». Sur « Never let me down again » c’est un rock de stade mélodique et entraînant qui est à l’oeuvre avec une section rythmique ultra-efficace et un chant puissant d’un Dave Gahan au sommet de sa forme. Les refrains sont d’une beauté qui touche à l’absolu, la fusion des voix de Dave et Martin créent un mélange unique et aérien! D’ailleurs, les paroles semblent assez touchantes et…..ambiguës (« I’m taking a ride with my best friend, i hope he never let me down again » sur les couplets et sur les refrains « We’re flying high and watching the world pass us by…never want to come down…never want to put my feet back down on the ground »). Virée entre amis ou usage intensif de drogue? S’agit-il de planer au sens premier du terme? En tout cas Dave Gahan n’ayant pas encore de problèmes de drogue à l’époque on va s’en tenir à la virée entre potes pour l’instant…


Dans la veine rock de stade on retiendra également « Behind the wheel » titre étrange à l’atmosphère mystérieuse et à la rythmique ultra répétitive et accrocheuse! Le chant est très posé et lent…ce qui créé un effet de contraste intéressant avec l’intensité rythmique du morceau dont on jurerait qu’elle a été construite par un marteau-pilon. Mais les morceaux intimistes ne sont pas exclus et sont même parfois d’une beauté effroyable : le nocturne « The things you said » chanté par Martin est pour ainsi dire unique en son genre par l’atmosphère qu’il créé. Ce spleen intimiste et morbide aux notes de synthé cristallines est un des points forts du disque (mais il n’y a quasiment que des points forts ici…). Dans une veine un peu plus étrange et déroutante « I want you now » s’ouvrant sur des bruits de respirations (et on croit deviner qu’il ne s’agit pas des souffles que l’on pousse quand on a couru un marathon ou que l’on essaie d’ouvrir un pot de cornichons…plutôt quand on essaie de jouer avec le sien à la limite vu la thématique érotique du morceau). La mélodie reste intéressante et subtile, même si ce n’est pas ce morceau que l’on retiendra en priorité du disque, ça montre quand même le génie d’un groupe qui parvient décidément à créer des rythmes (via les respirations répétées) et des mélodies à partir de bruits qui en théorie n’ont rien de musicale! Depeche Mode c’est simple : tu te sèche les cheveux avec un sèche cheveux électrique ils débarquent dans ta salle de bain et t’enregistrent le bruit que tu fait, puis ils te pondent un tube avec! Bon j’exagère un peu…mais vous avez compris l’idée quoi!


Mais la grand audace de « Music for the masses » c’est de se payer le luxe d’incorporer des morceaux symphoniques dignes de la musique classique (nan…là aussi ils ont potentiellement influencé vous savez qui?). « Little 15 » est une ballade touchante et potentiellement poignante, une boucle lancinante et répétée faisant penser à des violons, quelques notes de piano, et une mélodie allant en crescendo dans l’intensité font de ce morceau un moment fort du disque. Il se dégage une ambiance assez inhabituelle pour du Depeche Mode…une ambiance de vieux film Russe ou d’Allemagne de l’est…c’est assez unique! Et pour ce qui est du morceau qui clôt l’album, l’instrumental « Pimpf » c’est assez impressionnant…cette espèce de mélodie rajoutant des sons étranges au fur et à mesure de sa progression et ponctuée par des chœurs graves et lugubres et venus dont ne sait où créent une ambiance apocalyptique saisissante! Bref, Depeche Mode a brillamment réussi sur ce disque à pondre des tubes (« Strangelove » dans une veine electro-pop dansante par exemple), mais en plus en s’accordant une touche expérimentale toujours plus avancée!


« Music for the masses » est un grand disque de Depeche Mode et un grand disque des années 80 qui vaudra à ce groupe d’être catalogué comme une figure indissociable de ces années là…Les thématiques de sa musique (sex, god, and redemption) sont enfin en place et donnent lieu à des textes de qualité (même si « Sacred » qui exige que l’on puisse s’identifier à un missionnaire transmettant la sainte parole, est un sacré retournement de veste…la position du groupe à l’égard de la religion étant assez ambivalente et mystérieuse). Expérimentale mais mélodique, pop mais également rock, positif mais toujours sombre par moments, la musique du groupe réunit ici les contrastes et les dépasse dans une alchimie très proche de la perfection. C’est même le premier disque de Depeche Mode que l’on pourrait sans doute qualifier de « chef d’oeuvre » sans trop exagérer…bien qu’en réalité le meilleur sera à venir dans la décennie suivante! Car si « Music for the masses » est un album qui fera devenir Depeche Mode grand (le groupe battra son record et deviendra l’égal d’un U2 ou d’un Bon Jovi en remplissant le fameux « Rose Bowl », ce qui fera pleurer d’émotion Dave Gahan vers la fin du concert tant ce dernier voyait enfin son rêve se réaliser), c’est bien l’album suivant : le célébrissime « Violator » qui fera passer le groupe du statut de « grand » à mythique.

Créée

le 25 nov. 2016

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Venomesque

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