L’année suivant l’enregistrement et la sortie d’Unmasked fut compliquée pour KISS. Le groupe venait de changer de batteur, Eric Carr faisant sa première apparition en juillet 1980. Ace, Paul, Gene et Eric entamèrent donc une tournée en Australie et en Nouvelle-Zélande, le succès fut au rendez-vous étant donné de la popularité de KISS dans ces deux pays. Mais les deux albums précédents n’ont pas eu le succès attendu, mis à part en Europe étrangement. C’est à croire qu’ici on préfère la Pop au Rock. A la surprise de tout le monde le groupe annonça vouloir retrouver leur son Hard Rock et précisa alors que le prochain album serait du pur Rock’n’Roll. Sauf que leur manager de l’époque voulait quelque chose de plus conséquent et pas simplement du Rock, il fallait faire quelque chose de couillu artistiquement parlant. Il fera donc appel à leur vieux copain Bob Ezrin, déjà producteur du mythique Destroyer. Sauf que notre petit producteur avait bien autre chose en tête, en effet il sortait de l’un des plus gros projets de l’époque, The Wall de Pink Floyd. Les deux têtes, Gene et Paul, acceptèrent les idées d’Ezrin au grand mécontentement d’Ace Frehley. Selon l’intéressé ses sessions d’enregistrement furent plus que frustrantes, il n’avait jamais son mot à dire même s’il n’était pas d’accord avec les différentes décisions, et pire encore certains de ses solos ont tout simplement été retirés. Mais le changement ne fut pas qu’artistique car le groupe changea à nouveau de look. Les cheveux sont plus courts, les costumes beaucoup plus simplistes et moins encombrants (en particulier pour Simmons et Frehley) mais le maquillage est toujours d’actualité.
Difficile de savoir à quoi s’attendre quand on regarde la couverture de Music From The Elder. Pour la première fois le groupe n’apparait nulle part, ni sur la pochette, ni à l’intérieur. A la place on y voit une main s’apprêtant à frapper sur une vielle porte en bois d’une église ou d’un château (réellement il s’agit de l’église de Park Avenue à New York).
Il faut tout de même que je précise une chose en particulier avec The Elder, cet album est un concept plus ou moins réussi, ça dépendra de si vous accrochez ou non. On y suit l’entrainement un garçon (The Boy) qui s’est fait recruter par le Conseil des Anciens (The Elder). Ces derniers font parti de l’Ordre de la Rose, un mystérieux groupe charger d’éradiquer les forces du Mal. L’album raconte donc les péripéties de ce garçon et de la façon dont il parvient à passer au-delà de ses nombreux doutes. D’ailleurs ce scénario fut adapté à la fin des années 90 en une saga de comics.

Mais bon rentrons maintenant dans le vif du sujet maintenant que le ton est posé. Il ne faut donc pas s’attendre à un album comme les précédents, que ce soit ceux de leur période 70s ou des deux albums Pop-Rock. En fait, j’oserais même dire qu’il ne faut pas s’attendre à du KISS.

The Elder s’ouvre sur une Fanfare, en fait plutôt sur une piste orchestrale uniquement instrumentale mais c’est le titre de la piste. L’American Symphony Orchestra interprète ce qui sera plus ou moins le thème de cette aventure. Stanley et Ezrin ont ici composé quelque chose d’extrêmement surprenant de la part du groupe. L’ambiance médiévale et chevaleresque est donc immédiatement posée. Même si ce n’est pas réellement utile à la progression de l’album, cela permet néanmoins à prévenir l’auditeur du ton.
La chanson suivante, Just A Boy, a été écrite pas les deux mêmes personnes. Même si le son est très différent du KISS auquel on était habitué, cela reste tout de même bien plus Rock que la paire Dynasty/Unmasked. L’ambiance est la même que pour la chanson précédente et restera plus ou moins là jusqu’à la fin de l’album. Ce qui par contre est assez étrange, est d’entendre un Paul Stanley partir dans des aiguës qu’il n’avait jamais pu atteindre précédemment.
On se garde Paul sous le bras avec Odyssey, qui a été composée par Tony Powers. En réalité ce n’était pas une chanson pour le groupe à la base. Et du coup ça s’entend ! Autant on peut dire que le reste de l’album ne ressemble pas vraiment à KISS mais on reconnait tout de même le style de Simmons ou de Stanley par exemple. Dans le cas présent, il est évident que ça n’a aucun rapport avec eux. Après par contre ça ne veut pas dire que c’est une mauvaise chanson, bien au contraire. Contrairement à Just A Boy, Paul décide de chanson bien plus bas, bien plus bas que d’habitude même. Au final le fait de chanter de cette façon lui va très bien, il devrait peut-être chanter plus souvent comme ça aujourd’hui étant donné qu’il a un peu perdu de sa voix.
Only You est la première chanson de Gene Simmons et il nous fait lui aussi le coup de chanter différemment. Au lieu de faire une voix démoniaque ou couillu comme dans la majorité des cas, il chante plus calmement un peu comme sur Goin’ Blind du deuxième album de KISS. A certains moments il se fait aussi aider par Paul qui, si vous ne l’aviez pas encore compris, joue le rôle du Boy. Petite chose marrante, le pont musical ressemble étrangement au pont de Nasty Nasty du groupe Black N Blue. Cette chanson a été écrite et produite par Simmons, et le guitariste du groupe (Tommy Thayer) rejoindra plus tard KISS. Il faudra par contre m’expliquer les voix de robots.
On garde Simmons qui s’associe avec Eric Carr pour l’écriture d’Under The Rose. J’ai du mal a décidé si c’est ma chanson préférée du groupe ou non, car j’en aime une autre sur cet album. Mais peu importe ! Vous vous souvenez de ce que je disais à propos de la voix de Simmons sur la chanson précédente ? Et bien là c’est pire, ou mieux, à vous de choisir. Il chante extrêmement calmement, d’une voix douce et posée. Puis le refrain arrive, tout explose avec de magnifiques chœurs masculins accentués par l’instrumentation riche. Pour sa première chanson dans KISS, Eric Carr fait fort.
J’arrive pas à croire ce que je vais dire mais la seule chanson d’Ace Frehley est le point faible de l’album. Dark Light est une chanson anecdotique et je dois l’avouer un peu chiante à sa répétitivité. C’est une des seules chansons sur laquelle il joue réellement, étant donné que Paul Stanley joue la majorité des solos. C’est étrange de voir que Lou Reed est crédité en tant que compositeur, je ne sais pas ce qu’il a réellement fait. Quand j’écoute The Elder en général j’évite d’écouter Dark Light. Elle commence bien mais devient rapidement inintéressante.
Par contre A World Without Heroes est certainement la meilleure chanson de KISS. Lou Reed est à nouveau crédité étant donné qu’il a écrit la première phrase, uniquement la première phrase. C’est encore une chanson où Simmons ne pousse pas la voix étant donné du côté très mélancolique présent du début jusqu’à la fin de celle-ci. Mais étrangement ça fonctionne une fois de plus. Une des choses que je préfère ici c’est le magnifique solo, précis et sans trop de fioriture, joué par un Paul Stanley au top de sa forme. C’est d’ailleurs la seule chanson a avoir eu un clip, on y voit les 4 membres dans leurs derniers costumes dans un simple décor noir où ils sont baignés d’une lumière presque divine. Et il se termine sur un gros de Gene, pleurant une seule et unique larme. Apparemment il était réellement triste à cause des nombreux conflits et du bordel ambiant dont le groupe souffrait à ce moment précis.
Avec The Oath c’est une tout autre histoire, il s’agit sans hésiter de la chanson la plus Hard sur l’album. Accompagné d’Ezrin et de Powers, Stanley signe un titre au son plus menaçant malgré les refrains où il pousse sa voix dans les aiguës (comme pour Just A Boy). Les fans du KISS original devraient assurément apprécié ce titre bien plus proche de leur style habituel. Il n’y a pas grand chose de spécial à dire pour The Oath, le titre est efficace, rythmé et très pêchu.
Simmons s’associe à nouveau à Lou Reed sur Mr. Blackwell (même si je ne pourrais pas dire ce que Lou a réellement fait). Et tout de suite certains seront heureux d’entendre un Gene qui nous rappelle qu’il est le Démon dans KISS. Ce titre me rappelle assez ce qu’il avait pu faire avec God of Thunder. La basse est omniprésente et lourde, il chante avec ses couilles et le ton est bien plus sombre que précédemment. Par contre le solo est sensé être joué par Ace Frehley mais j’ai personnellement quelques doutes, cela ne sonne trop différent de lui. Mais peut-être que je me trompe. Et si vous vous demandiez qui est ce Mr. Blackwell, c’est en fait un ancien professeur d’école de Gene Simmons, il ne devait pas trop l’apprécier.
C’est presque la fin avec une nouvelle piste instrumentale, Escape From the Island. Ezrin y joue la basse, Carr reste à la même position que d’habitude, tout comme Frehley. C’est assez étrange d’entendre quelque chose d’aussi expérimental de la part de ces trois personnes. Mais ça fonctionne parfaitement, en grande partie grâce à la basse qui est tout simplement parfaite.
Et c’est donc I qui termine l’album. Composée par Gene et Bob, la chanson est dans le même style que The Oath, plus Rock et plus couillu. Alors que Gene assure la partie guitare rythmique, il partage le chant avec Paul, chantant l’un après l’autre et même ensemble pour les refrains. KISS semble quand même un peu plus à l’aise sur une telle chanson et c’est certainement pour cette raison que le titre est aussi efficace. Il se termine sur une petite partie instrumentale appuyée par une narration.

The Elder est donc un album très particulier, on comprend pourquoi il n’est pas apprécié des fans ni du grand public. Si KISS avait enregistré l’album sous un autre nom peut-être qu’il se serait vendu, ou peut-être pas. Heureusement aujourd’hui il a gagné en popularité, devenant un album culte. Tellement culte que le groupe joue à de très rares moments certaines des chansons de l’album, comme par exemple lors de leur Live Unplugged ou de leur croisière. Encore plus étrange, un groupe de fans s’est même lancé dans une adaptation en film. Je ne sais pas trop où en est le projet pour le moment mais vous pouvez toujours vous renseigner un plus sur leur site (www.elderthemovie.com).
Selon moi c’est un album indispensable dans leur discographie et pour tout fan de Rock. C’est concept unique que le groupe ne retentera jamais. Commercialement parlant c’est un échec critique mais artistiquement The Elder est grandiose.
Pour finir je citerais Paul Stanley lors du Live Unplugged de KISS, qui disait à propos de The Elder avant de jouer A World Without Heroes : « Un album qui pour certaines personnes n’en entendent jamais suffisamment et pour d’autres c’est toujours trop. » Je recommande d’ailleurs cette performance quasi parfaite du titre.

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le 5 mai 2014

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Hairy_Cornflake

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